Potager à Ahuntsic-Cartierville. (Photo: archives JDV)

Depuis quelques années, il est devenu courant d’employer la notion d’agriculture urbaine pour désigner une nouvelle tendance, dans les villes occidentales, à se réapproprier un secteur d’activités agricoles depuis longtemps perdu. 

Il existe une myriade de définitions qui tentent de rendre compte du phénomène, mais voici celle que je vous propose, colligée au fil de mes lectures. L’agriculture urbaine, c’est l’activité de faire pousser des plantes et d’élever de petits animaux à des fins alimentaires, dans la ville ou en périphérie de la ville, à l’échelle domestique ou industrielle.

Elle comprend, de plus, toutes les sphères complémentaires qui se rattachent à cette activité, telle que la transformation et la distribution de ces produits. Mais bien au-delà de cette définition, il faut comprendre l’agriculture urbaine comme un processus dynamique, comme une mouvance ou une intention sociale répondant à une nécessité collective de sécurité alimentaire, de cohésion sociale et de gestion durable de notre environnement.

Elle prend différents visages, mais entonne le même chant : celui de la souveraineté alimentaire.

Historique

La ville et l’agriculture se côtoient de très longue date. Le seul battement de paupière historique qui fait exception à cette règle est la période de la révolution industrielle à nos jours, pour ce qui est des pays occidentaux, où nous avons vu se dessiner une fracture entre ville et campagne, entre lieu de production alimentaire et lieu de consommation.

Les avancées technologiques du XXe siècle ainsi que la Révolution verte n’ont fait que renforcer cette dichotomie. L’agriculture industrielle s’est mise à produire substantiellement, pour nourrir une population de plus en plus grande. Elle apporta avec elle, aussi, une utilisation massive de produits chimiques, une dépendance au pétrole accrue, ainsi que la monoculture et l’appauvrissement des sols.

Devant ce tableau, l’agriculture en ville à refait surface pour tenter de pallier les nouveaux défis sociaux, économiques, environnementaux et alimentaires qui émergent.

Trois enjeux

Potager en devanture du terrain de l’auteur, rue Clark (Photo: archives jdv)

Si une pléthore de défis nous attend dans les décennies à venir, il en existe quelques-uns qui se démarquent particulièrement et que l’agriculture urbaine tente de relever. Je les classerais en trois grandes catégories : démographiques, environnementaux et socioéconomiques.

La population planétaire pose à elle seule un défi de taille pour l’humanité. Elle est exponentielle et prend une forme particulière, dans la perspective qui nous intéresse, car elle se veut de plus en plus urbaine. Alors que partout dans le monde, les gens se massent dans les villes et s’entassent dans la précarité sociale et économique, il est clair que de ces mêmes foyers citadins émergeront des solutions.

L’agriculture urbaine, loin d’être une panacée, tente néanmoins de répondre à cet enjeu en envahissant les espaces publics de la ville pour en faire des lieux de production alimentaire. Des cours de particuliers en passant par les cours d’école ou les toits d’édifices publics et les terrains laissés vacants, la ville est repensée en termes d’une multitude de lieux de culture, pour non seulement nourrir ses citoyens localement, mais aussi les employer, les éduquer, les responsabiliser et les socialiser.

Lendemains possibles

Rapprochant les lieux de culture des populations, l’agriculture urbaine assure une plus grande sécurité et souveraineté alimentaire pour une population croissante, mais également une alimentation plus saine. Car inscrite au cœur du mouvement de l’agriculture urbaine est une approche écologique durable, qui comprend l’étroit lien entre l’être humain et son environnement, de même que des modes de production qui doivent assurer la pérennité de son activité.

Ce qui nous amène au deuxième enjeu. Si l’humanité urbanisée souhaite s’assurer d’un possible lendemain, elle doit obligatoirement souscrire à une approche durable et ainsi renoncer à sa dépendance aux produits dérivés du pétrole et s’assurer d’un enrichissement constant des sols qui la nourrissent.

Des framboises jaunes cultivées chez un résidant d’Ahuntsic (Photo: archives jdv)

C’est précisément ce que l’agriculture urbaine propose en adoptant des techniques écologiques qui ont le souci de la Terre à coeur. Elle nous pousse également à revoir notre gestion de l’eau et de nos résidus organiques en les transformant en ressources, de même qu’elle nous entraîne vers une agriculture à petite échelle, de proximité, qui encourage la biodiversité et réduit les émissions de gaz à effet de serre, de même que les îlots de chaleur.

Mouvement citoyen

Finalement, il n’y aurait pas d’agriculture urbaine si celle-ci ne prenait pas en compte une de ses ressources les plus indispensables : ses citoyens.

L’agriculture urbaine est avant tout un mouvement porté par les citoyens et la société civile. Par le biais d’OBNL, de jardins communautaires et collectifs, de jeunes entrepreneurs et de citoyens engagés qui joignent ses rangs, une conscience collective se développe, des emplois se créent et des liens se tissent.

L’agriculture urbaine se lève pour tenter de relever les défis de la fragmentation sociale et de la paupérisation urbaine, et ce, à travers le monde. Par ses initiatives, elle éduque et renforce le tissu social qui est lui-même garant d’une démocratie forte et viable.

L’agriculture urbaine est bien des choses, mais elle est surtout votre visage et le mien. Ainsi prendra-t-elle les allures que nous lui donnerons.

Pour l’instant, elle reprend peu à peu sa place, dans un monde qui à faim d’espoir!

Cet article a été publié la première fois dans le mag papier de l’été 2015.



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