Parc Belmont. (Photo: W. Schermer, carte postale d’archives)

Inauguré en 1923, disparu en 1983, le parc Belmont aurait célébré son centenaire à la mi-juin de cette année.

L’ancien parc d’attraction de Cartierville, situé juste à l’est du pont Lachapelle, au nord du boulevard Gouin, a fait le bonheur de plusieurs générations de petits et grands, avant de connaître la déchéance à la fin des années 1970, jusqu’à sa fermeture en 1983.

Livre Les saisons du parc Belmont, publié en 2005 par Steve Proulx.

«Lorsque le parc Belmont voit le jour, Montréal compte plusieurs parcs d’attraction de toutes tailles sur son territoire, explique Steve Proulx, journaliste, qui a écrit un livre sur le célèbre endroit en 2005, Les saisons du parc Belmont – 1923-1983, aux Éditions Libre-Expression (on peut le consulter à la bibliothèque ou l’acheter sur Marketplace).

Le plus connu de ces parcs était le parc Dominion, dans l’est de la ville, inspiré de celui de Coney Island, à New York, la Mecque du genre, à l’époque. Il y avait aussi le parc Sohmer, qui a brûlé en 1919.

Au départ, ces parcs étaient avant tout champêtres et issus directement de l’époque victorienne. Les gens venaient s’y reposer, faire des pique-niques et écouter des concerts. Puis, les manèges se sont progressivement ajoutés.

«Tout comme les autres parcs du genre, le parc Belmont est rapidement devenu un important lieu de diffusion de la culture populaire, poursuit Steve Proulx. On y présentait des spectacles de big bands et de cirque, ainsi que des films en plein air (les “p’tites vues”). On annonçait même la programmation dans les journaux.»

En Amérique du Nord, certains parcs du genre ont été lancés par des compagnies de tramways, qui désiraient augmenter leur achalandage les fins de semaine d’été. De tels parcs étaient situés au terminus d’une ligne. Ce ne fut pas le cas de Belmont. Mais, à l’époque, le terminus de la ligne 17 de tramways était situé tout près. Cette ligne reliait le centre-ville à Cartierville et passait à travers champs.

Le Journal des voisins a d’ailleurs mis en ligne récemment une capsule de l’Opération Patrimoine qui évoque la ligne de tramway se rendant au parc Belmont.

Cartierville, tout comme Saraguay, au début du siècle dernier, était avant tout un lieu de villégiature pour les riches familles montréalaises. Au sud de Gouin, c’étaient des fermes et l’aéroport de Cartierville, au sud du chemin de fer vers Deux-Montagnes, dont un embranchement, Val-Royal, s’arrêtait à quelques mètres du… parc Belmont!

Le Cyclone était un des manèges les plus populaires au Parc Balmont. (Photo: Jean Goupil, Fonds La Presse, 1983, Bibliothèque et Archives nationales du Québec)

Les manèges

Dès la deuxième saison se sont ajoutés les fameuses montagnes russes en bois, le Scenic (rebaptisé Cyclone dans les années 1960), qui étaient un peu la signature du parc. Les manèges ont pris plus de place à partir des années 1940. «Mais c’étaient de petits modèles, de type fête foraine», précise Steve Proulx.

Durant ces années, une salle de danse attire les foules avec ses concerts de big bands, dirigés notamment par J.J. Gagnier. C’est la glorieuse époque de la danse sociale et des… freak shows! Le parc Belmont présentait ainsi des Revues mettant en scène des performances circassiennes (femmes projetées par un canon, numéros de trapèze…), mais aussi des nains, des hommes à trois jambes et autres infirmités «exotiques», complètement inacceptables en regard des normes sociales d’aujourd’hui, mais qui attiraient les foules à l’époque.

«Cette ambiance est bien rendue dans le film La comtesse de Bâton-Rouge, d’André Forcier, dont certaines scènes se déroulent dans un parc Belmont déjà fermé au moment du tournage», précise le journaliste.

Richard Clémens, dompteur de lions, en 1949. (Photo: Fonds La Presse, Bibliothèque et Archives nationales du Québec)

La grosse bonne femme

Le parc a longtemps été célèbre pour son manège de tapis magique, un tapis roulant mécanique plutôt crade, au-dessus duquel on avait planté un mannequin de «grosse bonne femme» qui riait en se dandinant mécaniquement à longueur de journée. C’était l’attraction la plus célèbre du lieu.

Dans les années 1940, le maire de Montréal, Camillien Houde, est sur place pour inaugurer les autos tamponneuses nautiques. C’est dire l’importance du parc. La famille de l’ex-premier ministre Pierre Elliott Trudeau a longtemps été actionnaire (le père de l’actuel premier ministre a même siégé à son conseil d’administration et dénoncé des manquements éthiques!). Il appartenait à des gens d’affaires qui fréquentaient tous le Club Saint-Denis, un club privé pour l’élite francophone du monde des affaires qui a fermé ses portes en 2009.

Les singes

L’Île aux Singes, une autre attraction, a fait parler d’elle pour… les mauvaises raisons. On pouvait y admirer des singes achetés aux laboratoires des environs, qui se prélassaient dans un enclos entouré d’eau.

Un soir, un employé oublie de fermer la porte de la cage et les singes en profitent pour prendre la poudre d’escampette. Le parc va jusqu’à offrir une récompense pour récupérer ses pensionnaires, qui se sont disséminés dans tout Cartierville.

L’été suivant, l’Île aux Singes avait disparu. Le parc avait été aménagé sur une ancienne ferme. La maison du cultivateur, qui avait, dit-on, servi de cachette pour les Patriotes de la Rébellion des années 1830, avait été transformée en cafétéria.

La Ronde

En 1967, Montréal vibre au rythme de l’exposition universelle («Expo 67»), qui compte son propre parc d’attraction, La Ronde. Ses manèges, étincelants et neufs, sont plus impressionnants que celui du parc Belmont.

Dès lors, le parc Belmont connaît une lente déchéance, alimentée par des tactiques douteuses de la Ville de Montréal pour favoriser la Ronde, qui lui appartenait. Ainsi, la Ville impose des sens uniques absurdes aux abords du parc, en plus des descentes de police pour des motifs futiles. Les accidents de manèges, mal entretenus, se multiplient, dont celui des parachutes, qui fait la manchette.

L’entrée du Parc Belmont. Il a eu la concurrence du très moderne parc d’attraction La Ronde, ouvert en 1967. (Photo: Archives de la Ville de Montréal)

Au début des années 1980, le parc est vendu à de nouveaux actionnaires qui tentent, sans succès, de le relancer. Il ferme au bout de deux saisons, en 1983. C’est la fin d’une institution au passé glorieux. Son esprit festif est évoqué dans la chanson de Diane Dufresne (paroles de Luc Plamondon), où le personnage de la chanson, interné dans un asile, rêve qu’on l’emmène au parc Belmont.

Le parc est rapidement rasé, sauf les montagnes russes. Dans les années 1980, le site succombe à une nouvelle mode: on y construit des condos. Dans la partie ouest du site, Montréal a aménagé un beau parc public où l’on peut admirer des panneaux historiques et des sculptures rappelant le riche passé du parc Belmont, un lieu emblématique de l’histoire de Cartierville et de Montréal. Quelques arbres datent de cette époque.

Faites défiler les photos pour voir la galerie d’images:

En novembre 2016, le Journal des voisins interviewait des Cartiervillois qui se rappelaient leurs souvenirs du parc Belmont. En 2017, à l’occasion du 375e anniversaire de Montréal, le parc Belmont a été recréé durant 13 jours.
Pour le 375e de Montréal, à Cartierville, à l’initiative du CLIC, le mythique parc Belmont renaît durant 13 jours. (Photo: Philippe Rachiele, archives JDV)

 



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