Marcelo Juarez Molina (Photo: courtoisie)

À l’occasion de la semaine du développement international, journaldesvoisins.com s’est entretenu récemment avec Marcelo Juarez Molina, un Ahuntsicois engagé au parcours inspirant dans le domaine de la coopération internationale. Au cœur de son engagement, une mission d’Oxfam-Québec au Pérou de 2016 à 2018. Sur le terrain, Marcelo Juarez Molina et ses collègues ont tenu des conférences dans des écoles de Lima, notamment pour sensibiliser les jeunes à la question de l’égalité hommes-femmes, ainsi qu’à la problématique des violences psychologiques et sexuelles faites aux femmes au Pérou. Portrait d’un citoyen hors du commun.

Marcelo Juarez Molina n’est pas un citoyen comme les autres. Originaire du Salvador, formé en droit dans son pays, l’homme de 29 ans se bat contre le fléau des violences faites aux femmes en Amérique latine.

Son combat commence dans son pays d’origine. Témoin de graves violences contre les femmes, ces expériences douloureuses sensibilisent chez lui une propension à défendre les droits des femmes, des enfants et des plus vulnérables.

Avec des collègues, il a voulu changer les choses en créant un plan pour la police salvadorienne afin de traiter les cas de violences faites aux femmes.

Peu après, en 2016, il décide de quitter le Salvador et de venir s’installer au Québec. Il choisit le quartier Ahuntsic-Cartierville pour construire sa vie à Montréal.

Il entreprend des cours de francisation pour développer ses capacités linguistiques afin d’effectuer une maîtrise en relations internationales à l’Université de Montréal.

À peine les cours commencés, il décide de tout mettre en veilleuse pour partir au Pérou pendant un an et demi. Il intègre la mission VIRAJ-Pérou, une initiative d’Oxfam-Québec afin de prévenir la violence dans les relations intimes auprès des jeunes de 14 à 16 ans dans la région de Lima, la capitale du pays.

Une réalité délicate

Le contexte au Pérou est dramatique, Marcelo en est conscient. Les associations locales font état d’une situation «catastrophique » concernant les violences faites aux femmes.

En 2017, le pays a enregistré 25 068 viols, soit près de 68 par jour. Aussi, le Ministère de la femme et des populations vulnérables indique que 65,4% des Péruviennes âgées de 18 à 49 ans ont été victimes de violences conjugales. Toujours selon le même ministère, 6030 cas de violences sexuelles ont été faites aux fillettes et jeunes filles de 0 à 17 ans.

« Au Pérou, c’est plus les femmes que les hommes qui vivent des situations de violence », affirme Marcelo.

Un travail de sensibilisation

Pour changer la situation, Marcelo et ses collègues ont adapté aux réalités sociales péruviennes un plan de prévention contre les violences dans les relations interpersonnelles des jeunes (VIRAJ), programme conçu à l’origine au Québec par Francine Lavoie, professeure de psychologie à l’Université Laval.

Sous forme de deux conférences de 90 minutes, les intervenants présentaient aux étudiants de 14 à 16 ans les différentes violences à caractère sexuel et psychologique, en vue de leur permettre de reconnaître ces violences et d’exprimer leurs droits. La question de l’égalité des sexes était aussi discutée lors des rencontres avec les jeunes.

Au total, ces conférences ont été données dans trois écoles de Lima, devant près de 300 étudiants. Dans les écoles, des rencontres traitant des sujets de violences sexuelles et d’égalité des genres ont très rarement lieu, constate Marcelo :

« Pour les étudiants, c’était la première fois qu’un organisme venait leur parler de ça! »

Une question difficile au Pérou

Le sujet de l’éducation sexuelle est encore tabou au Pérou. Au cœur du problème, un mouvement de parents soutenu par l’église, nommé « No te metas con mis hijos », signifiant « Ne plaisante pas avec mes enfants », qui bloque toute tentative de l’État péruvien à mettre en place des cours d’éducation à la sexualité.

« Le mouvement dit que l’éducation sexuelle des jeunes n’est pas une responsabilité du Ministère de l’Éducation […] selon eux, c’est la responsabilité des parents », affirme Marcelo.

Ainsi, seuls des programmes comme ceux de VIRAJ-Pérou peuvent aborder l’éducation sexuelle dans les écoles, les professeurs n’étant pas autorisés et formés à faire ce travail.

« Les étudiants disent que les professeurs ne parlent pas de ces sujets », souligne-t-il.

Certaines directions d’écoles se sont aussi opposées à leur démarche, estimant que l’âge des adolescents assistant aux rencontres était beaucoup trop jeune.

De l’espoir

Pourtant, grâce au soutien des associations partenaires locales, Marcelo considère que l’accueil dans les écoles péruviennes a été positif.

« On a été très bien reçu dans les écoles », insiste-t-il.

Il estime que les jeunes ont apprécié le programme, malgré le fait qu’il abordait des sujets très sensibles.

Plus que tout, il souligne avoir été inspiré de voir des gens engagés et motivés comme lui à vouloir faire des changements sur les violences faites aux femmes ainsi qu’à l’égalité entre les sexes. En rappelant son attachement à ce qu’il appelle « sa grande société qui est toute l’Amérique », il croit très important de s’engager et d’améliorer les choses sur le continent.

L’avenir pour Marcelo

De retour à Ahuntsic-Cartierville en 2018, Marcelo termine maintenant ses cours de francisation et espère bien amorcer ses études à la maîtrise à l’Université de Montréal.

Bien entendu, il n’écarte pas de retourner à la coopération internationale; il aimerait y œuvrer après ses études.

En attendant, il continuera de s’engager, et espère retourner dans son pays d’origine pour redonner aux autres.

« Je suis la personne que je suis grâce à mon pays. J’aimerais apporter quelque chose pour la société et la vie dans mon pays », souligne-t-il.

 



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