Janvier 2018: la députée Mélanie Joly remettait une plaque à Tandem, Prévention du crime Ahuntsic-Cartierville. Au centre, Mme Joly et Leo Fiore, patron de Tandem. (Photo: archives jdv)

L’équipe de campagne de la députée sortante d’Ahuntsic-Cartierville, Mélanie Joly, ne s’offusque pas du fait que le directeur de Tandem, Leo Fiore, garde tout de même ses fonctions de patron de Tandem Ahuntsic-Cartierville, un organisme pourtant neutre qui tient à rester «plus blanc que blanc», tout en devenant président de sa campagne électorale.

La direction de la campagne de Mme Joly, aussi ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la francophonie canadienne, a indiqué depuis Moncton (où se trouvait Mme Joly pour les fêtes du peuple acadien) que M. Fiore fait un travail bénévole, «une nécessité pour toutes les formations politiques d’avoir des gens qui donnent de leur temps gratuitement».

Mais joint par le jdv, Jean-Pierre Dorion, le président du conseil d’administration de l’organisme qui met en application le programme de prévention à Montréal dans le nord de la ville, a soutenu qu’il vérifiera si tout a été respecté selon les règles de l’art en matière éthique.

Pas au courant

Chose surprenante, M. Dorion n’avait pas été avisé du fait que M. Fiore avait accepté d’accomplir une tâche bénévole  à «saveur politique» au cours des prochaines semaines, alors que l’organisme se fait un point d’honneur d’afficher sa neutralité.

Leo Fiore, aussi très présent au sein de l’organisation sportive des Braves d’Ahuntsic au hockey et avec un groupe communautaire de Cartierville, est en vacances jusqu’au 26 août, mais son adjointe a confirmé au journal que ce dernier gardera ses fonctions durant le temps de la campagne, soit jusqu’à l’élection fédérale du 21 octobre. Elle a insisté sur le fait que son patron fait du bénévolat à l’extérieur de ses heures de travail.

Le candidat du Bloc québécois dans Ahuntsic-Cartierville, André Parizeau, s’est interrogé sur ce que fera concrètement M. Fiore en pleine campagne électorale alors qu’il a un poste au sein d’un OSBL subventionné par la Ville et le gouvernement fédéral.

« Est-ce que monsieur Fiore continuera en même temps dans ses fonctions, comme directeur de Tandem Ahuntsic-Cartierville ? Qu’en sera-t-il de ses autres fonctions dans d’autres organisations communautaires d’Ahuntsic ? Parce que si c’est le cas, il y pourrait y avoir, au strict minimum, apparence de conflits d’intérêts. Comment pourrait-il cumuler toutes ses fonctions, d’un simple point de vue plus éthique ?, a relevé celui qui sera confirmé  officiellement candidat du Bloc samedi.

Ce questionnement survient alors qu’au niveau national, le premier ministre Justin Trudeau vient de subir un deuxième blâme du Commissaire à l’éthique pour s’être placé en situation de conflit d’intérêts, après avoir été accusé d’avoir enfreint les règles d’éthique en lien avec le dossier SNC-Lavalin.

Ville-prudence

À la Ville de Montréal, la relationniste Mélanie Gagné, a indiqué qu’aucun  règlement ne stipule qu’un dirigeant d’organisme subventionné par la Ville de Montréal ne peut s’impliquer politiquement.

« La Ville de Montréal s’assure que l’organisme respecte l’entente de subvention, mais n’a pas le pouvoir de déterminer les règles d’éthique applicables au sein des organismes qu’elle subventionne », a-t-elle précisé.

Même son de cloche du côté de l’arrondissement où la direction politique s’est empressée de noter qu’il n’est pas un employé de la Ville et que s’il en était un, il aurait le droit de faire du travail politique en dehors des heures de travail.

Dans un article du jdv datant de novembre dernier, l’arrondissement et la Ville assuraient toutefois faire un suivi serré sur l’aide financière octroyée aux OSBL du territoire. Cependant, dans les conventions d’aide financière entre les OSBL et l’arrondissement, les questions éthiques ne seraient effectivement pas soulevées.

Bref, on a préféré nous renvoyer au conseil d’administration de l’OSBL qui se trouve à être les patrons (ndlr: le conseil d’administration) de M. Fiore, ou à des spécialistes en éthique.

Rappelons que Tandem Ahuntsic-Cartierville est un organisme financé par la Ville et même le gouvernement fédéral (via le bureau de circonscription de la ministre Mélanie Joly pour les emplois d’été de plusieurs étudiants, et ce, depuis plus de 20 ans).

Éthique: pour l’instant, pas de problème

Joint par le jdv vendredi, Danielle Pilette, professeure associée au Département de Stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM, estime dans ce cas-ci ne pas voir de problème pour l’instant, tant que la campagne électorale n’a pas été déclenchée officiellement.

« Maintenant, pour la suite, il faudrait voir si son travail bénévole n’interfère pas avec son poste, calculer le nombre d’heures que la personne  consacrera à son travail politique comme bénévole, ses disponibilités, ses présences, etc.. Si c’est plus de dix heures par personne, il faudrait alors se poser des questions », a-t-elle indiqué, faisant référence ici à la possibilité qu’il demande tout simplement un congé sans solde durant le temps de la campagne.

Au sujet des liens avec le fédéral, la spécialiste de l’École des sciences de la gestion (ESG-UQÀM) n’y voit aucun problème.

C’est qu’au Québec, il n’y a pas de liens directs entre les villes et le gouvernement fédéral (même lors d’ententes tripartites, c’est dans les faits le gouvernement québécois qui délègue des responsabilités aux municipalités). La question de l’embauche pour des emplois d’été ici étant autre chose, de poursuivre Mme Pilette.

Réactions-autres candidats

Pour sa part, la candidate néo-démocrate Zahia El-Masri, qui a été confirmée à la fin mai comme candidate du NPD dans la circonscription et qui doit se défendre dans un autre genre de dossier, ne semble pas s’en faire.

« Tant que ses responsabilités de président de la campagne libérale n’interfèrent pas avec ses responsabilités de directeur de Tandem Ahuntsic-Cartierville et qu’il continue à effectuer son travail de façon non-partisane, son engagement bénévole (NDLR : M. Fiore est rémunéré),  son engagement bénévole et ses allégeances politiques lui appartiennent. Je salue l’implication d’un citoyen engagé comme M. Fiore dans la vie politique et j’ai bien hâte de travailler de façon productive et collégiale avec lui et avec toute l’équipe de Tandem Ahuntsic-Cartierville quand je serai élue. »

Pour sa part, la candidate conservatrice  Kathy Laframboise, qui doit lancer officiellement sa campagne au lendemain de la Fête du travail, a déjà réagi en s’interrogeant à la fois sur l’éthique du Parti libéral du Canada et sur les tendances «communistes» du candidat du Bloc dans Ahuntsic-Cartierville.

« On savait déjà que l’éthique des libéraux de Trudeau était élastique avec les différents scandales, mais je ne savais pas que le Bloc comptait des communistes dans ses rangs. Cela sera aux électeurs d’Ahuntsic-Cartierville de juger et de choisir qui les représentera le mieux. Je me suis lancée en politique avec l’intention de contribuer à améliorer la qualité de vie des citoyens, en travaillant avec rigueur et surtout en toute transparence et honnêteté », a déclaré la candidate conservatrice.

Nul doute que M. Parizeau aura à s’expliquer sur le fait qu’il a été pendant plus de 20 ans le chef du Parti communiste du Québec (il a remis sa démission que tout récemment) tout en étant un militant actif du Bloc.

L’ex-chef du parti, Gilles Duceppe, avait fustigé M. Parizeau mais sa cousine qui avait songé un certain temps à être la candidate contre lui ici, s’est finalement ralliée, faute d’appuis dans la circonscription, contrairement au neveu de l’ex-premier ministre du Québec.

NPD dans la mire

D’autre part, le bureau des communications du NPD a affirmé que sa candidate dans Ahuntsic-Cartierville, Zahia El-Masri, avait repris le travail une semaine après la diffusion d’un article de la Presse Canadienne qui s’interrogeait sur le fait qu’elle était déjà active sur le terrain tout en étant en congé de maladie.

« La CNESST, mon docteur et mon employeur ont tous été mis au courant de mon implication en tant que candidate et je suis leurs recommandations, autant en ce qui a trait à mon retour au travail qu’à mes activités de pré-campagne, a affirmé la candidate qui a pris la relève de Maria Mourani dans notre circonscription.  À plusieurs reprises, mon employeur a refusé mon retour au travail. Je pense que les gens sont davantage intéressés à entendre ce que les candidats et candidates ont à proposer pour améliorer leur qualité de vie, comme une assurance-médicaments publique et universelle et la création de nouveaux logements, plutôt que par des considérations comme celle-ci », a-t-elle lancé.

Toutefois, la candidate avait œuvré beaucoup de temps sur le terrain depuis sa nomination. Elle avait même dit s’impliquer à «10 mille pour cent»  sur le terrain,  alors qu’elle était en congé de maladie à la suite d’une chute sur un trottoir glacé en début d’année.

La candidate du NPD a bénéficié de prestations d’invalidité au travail pendant plus de six  mois, dont près de deux mois alors qu’elle était candidate officielle du parti de gauche.

 



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