(Photo: taylor-wilcox-4nKOEAQaTgA-unsplash.jpg)

Où s’en vont les écoles du quartier depuis la disparition des commissions scolaires? La nouvelle gouvernance scolaire inquiète beaucoup de parents, qui y voient une perte d’influence.

La Loi 40, une réforme récemment adoptée par le gouvernement Legault, a sonné le glas des commissions scolaires au Québec, après 178 ans d’existence (sauf chez les anglophones, dont les institutions scolaires sont protégées par la constitution canadienne). La loi 40 a mené à la création, en pleine pandémie de la Covid-19, des Centres de services scolaires. Dans Ahuntsic-Cartierville, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) a donc été remplacée par le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM).

Le CSSDM gère une trentaine d’établissements scolaires dans l’arrondissement, dont trois écoles secondaires (Sophie-Barat, Évangéline et La Dauversière), un centre de formation spécialisée (rattaché au pavillon Albert-Prévost de l’Hôpital du Sacré-Cœur), et l’école secondaire Marie-Anne, un établissement qui accueille de jeunes adultes montréalais qui retournent à l’école après avoir quitté le milieu scolaire au secondaire régulier.

Les 15 membres du conseil d’administration du CSSDM sont entrés en fonction le 15 octobre (on peut consulter la liste ici) et une première réunion avait lieu le 25 novembre. Les parents y occupent cinq sièges, dont la présidence. De plus, chaque école possède un conseil d’établissement composé de membres du personnel et de parents (qui occupent également la présidence). Y siègent aussi, mais sans droit de vote, des représentants communautaires et, au secondaire, ceux des élèves.

Cette structure favorise davantage la participation des parents au sein de la vie scolaire, clame le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge.

Dans la réalité, les parents offrent un autre son de cloche.

Manque de transparence

« Avec la pandémie, on se retrouve à voir tous les défauts de cette nouvelle gouvernance, même si nous vivons une transition entre l’ancien et le nouveau système », explique Marc.Étienne Deslauriers, président du Comité de parents du CSSDM.

M. Deslauriers préfère demeurer optimiste. Mais il constate que les parents qui s’engagent dans la vie scolaire de leurs enfants ont perdu l’accès à l’information et une certaine influence qu’ils avaient auparavant avec des commissaires élus.

« C’était un système qui avait ses défauts, mais on pouvait poser des questions et nos membres élus pouvaient s’adresser directement aux autres commissaires scolaires, qui étaient redevables à la population, dit-il. Aujourd’hui, avec la transition, le directeur général du CSSDM (Robert Gendron) dispose des pleins pouvoirs. Depuis six mois, il a cessé de répondre à nos questions ou même d’être à l’écoute. On ne reçoit aucun accusé de réception à nos demandes écrites! De plus, avec la réforme, plusieurs pouvoirs ont été récupérés par Québec. Or, avec la nouvelle loi, ce n’est pas prévu que les conseils d’administration soient proactifs. Va-t-on seulement leur permettre d’appliquer une certaine reddition de comptes? »

Il constate que les administrateurs sont bénévoles. Ont-ils les ressources ou seront-ils adéquatement appuyés pour pouvoir pleinement jouer leur rôle et prendre des décisions éclairées? M. Deslauriers en doute.

Il ajoute que les administrateurs fraîchement nommés n’ont pas reçu de code d’éthique. Or, plusieurs membres sont en conflit d’intérêts, du moins en apparence, affirme-t-il. Pourtant, le 27 octobre, Québec publiait dans un communiqué de presse que chaque administrateur bénéficierait bientôt d’une formation de haut niveau sur les bonnes pratiques et la gouvernance, les encadrements budgétaires, les règles contractuelles, les pouvoirs qui leur sont dévolus et les rôles des directeurs.

Comme une lettre à la poste…

Certains parents croient que les conseils d’administration en milieu scolaire sont désormais des conseils de pacotille. Qu’ils n’existent que pour valider des décisions prises par la direction générale ou par Québec, une réalité constatée dans le réseau de la santé. Ils nous ont affirmé, sous le sceau de l’anonymat, qu’ils ont observé ce virage. Qu’avec quatre rencontres par année, au lieu des rencontres mensuelles des commissaires élus, les conseils d’administration ne pourront adéquatement jouer leur rôle.

Dans un tel contexte, les conseils d’administration vont-ils se contenter d’indiquer les grandes orientations, laissant aux fonctionnaires des CSS et de Québec, qui ne sont pas redevables au public, de gérer le quotidien?

« Tout ce qu’on avait prédit en commission parlementaire, qui étudiait le projet de loi, est en train de se réaliser », observe un parent qui désire garder l’anonymat.

Ce dernier compare la nouvelle gouvernance en éducation à la réforme Barrette dans la santé, qui s’est traduite par une centralisation à outrance des décisions aux mains du Ministère et même du ministre.

« Beaucoup de parents sont laissés à eux-mêmes dans le contexte de la pandémie, constate Chantal Jorg, ex-commissaire scolaire sur le territoire d’Ahuntsic-Cartierville. Ils n’ont personne à qui s’informer, alors qu’avant, ils auraient pu m’appeler. J’avais le pouvoir de poser des questions à l’interne et d’obtenir des réponses. Je doute que les nouveaux administrateurs aient un tel pouvoir d’influence. »

Mme Jorg ajoute que la réforme s’est traduite par beaucoup d’improvisation et de centralisation.

« On n’a pas laissé les commissaires scolaires élus terminer leur mandat de peur qu’ils ne contestent la réforme devant les tribunaux, dit-elle. Or, nous étions les mieux placés pour assurer la transition. »

 

Une transition qui s’est traduite par moins de transparence, clament de nombreux parents.

Sur le terrain

En attendant, Marc.Étienne Deslauriers considère que peu de choses ont changé sur le terrain dans Ahuntsic-Cartierville.

« Les écoles sont toujours aussi surpeuplées, notamment au secondaire, dit-il. Plusieurs projets d’agrandissement sont en attente et les parents n’en savent pas plus qu’avant la réforme. Et les projets qui sont connus sont clairement insuffisants en tenant compte des besoins. »

La situation à l’école secondaire Sophie-Barat l’inquiète particulièrement.

« On a fermé 50% des locaux de cette école à une semaine de la rentrée, pour une question de sécurité, et on a envoyé les élèves dans le quartier Saint-Michel, dit-il. Il n’existe aucun lien direct offert par la STM, qui fait son possible dans ce dossier, car le service de navette actuel demeure insuffisant. Quand on discute avec le CSSDM, on a l’impression que ce dossier n’est pas une priorité. On est dans le noir alors que c’est la seule école secondaire publique du quartier (Ahuntsic). »

M. Deslauriers estime que, pour le moment, la nouvelle gouvernance n’est pas à la hauteur des attentes des parents. Et que les explications du ministre de l’Éducation ne correspondent pas à la réalité montréalaise, où la pandémie a exacerbé les problèmes liés à l’immigration, l’insécurité alimentaire et financière, l’analphabétisme, la sécurité mentale et les enfants en très grande difficulté.

« La nouvelle gouvernance n’y changera rien », conclut-il.

 



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Louis Philippe Lemire
Louis Philippe Lemire
3 Années

Les commissions scolaires étaient d’une opacité stalinienne. Il fallait voir les réunions des commissaires où seulement la présidente, Mme Harel -Bourdon, prenait la parole. Le comité exécutif s’était accaparé les pouvoirs, et ce sans partage. Il faut en parler à Mme Violaine Cousineau, une ancienne commissaire scolaire. La demande du Protecteur du citoyen de prendre sous son aile le Protecteur de l’élève afin de le protéger des influences politiues des élus avait reçu une fin de non recevoir de la part de Mme Harel-Bourdon. Elle craignait une centralisation des pouvoirs… Elle craignait plutôt de perdre la main mise sur le Protecteur de l’élève, celui-ci étant inféodé au conseil exécutif. C’était dans l’organigramme des commissions scolaires.Il faut noter qu’aujourd’hui Québec Solidaire souhaite que le Protecteur de l’élève relève du Protecteur du citoyen, pour protéger son indépendance.
Certains parents digèrent peut-être mal la nouvelle gouvernance scolaire, c’est possible. Pour ma part, je m’en réjouis. J’ai connu de proche la façon de faire de ces élus… rien de chic, croyez moi. Parlant d’élus, si tant est que 3% de participation populaire confère une quelconque légitimité, jamais ceux-ci ne se sont remis en question, convaincus de leur bon droit, presque issu de droit divin.

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