Dans cette édition, Nicolas Bourdon a choisi de dresser le portrait de Mélanie Chartrand, une intervenante psychosociale.

 

Mélanie Chartrand, une intervenante psychosociale, redonne ce qu’elle a reçu lorsqu’elle était écolière. (Photo : Nicolas Bourdon, JDV)

Je rencontre Mélanie Chartrand dans la classe d’histoire de l’école Félix-Antoine, où elle est intervenante psychosociale.

Mélanie pensait ne jamais pouvoir finir son secondaire. Elle travaillait chez Pizza Roni depuis quelques années déjà lorsqu’elle fit la rencontre de Denyse Mayano, qui était à l’époque directrice de l’école Félix-Antoine. «J’avais arrêté l’école après ma troisième année de secondaire. J’avais subi plusieurs échecs dans mes examens et j’étais convaincue que je ne finirais jamais mon secondaire. Denyse m’a convaincue de passer des tests neurologiques qui ont montré que je souffrais de dyslexie, de dysorthographie et d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Contrairement à ce que je pensais à l’époque, ces troubles n’étaient pas insurmontables, loin de là ! J’ai repris mes études à l’école Félix-Antoine et j’ai obtenu mon diplôme secondaire en 2010. Depuis, j’ai voulu redonner à l’école ce que j’avais reçu.»

Mélanie est, entre autres, l’initiatrice du partenariat entre Moisson Montréal et l’école Félix-Antoine. «Je voyais que nos élèves commençaient à s’absenter beaucoup vers le milieu du mois. C’est qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour se payer un bon repas! Les élèves bénéficient maintenant d’un dîner gratuit à l’école; ça fait une grosse différence.»

En plus de son rôle d’animatrice dans le cadre du cours d’éducation financière, Mélanie est intervenante psychosociale à l’école. «Nous recevons beaucoup de nouveaux arrivants. Je les aide à apprendre à faire un chèque, à s’ouvrir un compte en banque, à manier des cartes de guichet, à payer leurs factures par Internet. Plusieurs n’étaient pas familiers avec ces différentes réalités avant d’arriver au Québec.»

Mélanie est aussi une motivatrice hors pair. «Je me reconnais dans nos élèves. Moi aussi, j’ai déjà pensé que je n’arriverais à rien. Je me suis occupée pendant des années d’un élève qui avait un gros problème d’alcoolisme. Je lui disais : « Je ne vais pas te lâcher tant que tu n’auras pas fini ton secondaire ! » J’allais le chercher chez lui tous les matins pour l’amener à l’école. Il maugréait à l’époque. Aujourd’hui, il me remercie; il est devenu maître-électricien.»

Récemment, Mélanie est venue en aide à une famille qui n’arrivait pas à joindre les deux bouts. Le prix du logement est si élevé à Montréal que les minces économies des nouveaux arrivants passent presque toutes dans le paiement du loyer. « Un quatre et demi sur Henri-Bourassa coûte environ 1400 $; 1400 $, c’est environ ce que recevait cette famille en aide sociale par mois. Mais il fallait qu’ils mangent et s’occupent des besoins de base de leurs deux enfants. Grâce à l’un de nos partenaires et à un don octroyé aux nouveaux arrivants, nous sommes venus en aide à la famille en lui procurant de la nourriture, des produits d’entretien ainsi que des vêtements et des médicaments pour les enfants.»

En 2025, tous les organismes communautaires hébergés dans l’édifice de Solidarité Ahuntsic seront relogés ailleurs. C’est le cas notamment du SNAC, principale banque alimentaire d’Ahuntsic, du CANA, qui vient en aide aux nouveaux arrivants, et aussi de Solidarité Ahuntsic. En effet, le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), propriétaire des lieux, reprend l’immeuble. «Ces organismes, de même que l’école Félix-Antoine, vont éventuellement être partie intégrante de l’Écoquartier Louvain [où la Ville de Montréal prévoit construire des logements abordables], mais en attendant, ils doivent se reloger. Cette période de transition m’inquiète et j’ai peur que certains organismes n’y survivent pas.»

L’aide aux nouveaux arrivants dans le quartier dépend, en effet, d’un écosystème fragile qu’il ne faut pas fragiliser davantage et de personnes dévouées et inspirantes comme Mélanie, qui font beaucoup avec très peu.

Cet article est tiré du numéro d’été du Journal des voisins (version imprimée) dont le dossier principal est consacré au logement.

Nicolas Bourdon est enseignant et il rédige la chronique Éducation dans le JDV imprimé. Il écrit aussi des nouvelles. Lire  Père et fils.



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