Mohammed Barhone en compagnie de l’ancien directeur de Solidarité Ahuntsic, Azzedine Achour, lors de la présentation de son livre, le 18 novembre 2022. (Photo : courtoisie)

Figure connue du milieu communautaire à Ahuntsic-Cartierville et à Montréal, Mohammed Barhone a publié récemment un court livre pour raconter sa vie. Et, surtout, pour révéler qu’il quittera bientôt ce monde, souffrant d’un cancer du pancréas à un stade avancé.

[Mise à jour : Mohamed Barhone est malheureusement décédé le 14 avril 2023, à l’aube.]

Malgré la gravité de ce qu’il annonce, Mohammed Barhone ne se départ pas de son sourire et même de ses rires. Il admet que son livre, L’homme en rose – Mémoires d’un combattant, a été sorti dans l’urgence, d’où probablement le petit nombre de pages. 

« J’ai entamé l’écriture cette année et il était prévu de sortir en 2025 ou 2026, pour célébrer les 25 ans de RePère, ainsi que mes 25 ans d’implication dans le milieu communautaire au Québec; parce que c’est un enjeu qui me tient beaucoup à cœur », indique-t-il.

RePère, c’est l’organisme communautaire qu’il dirige depuis des années. Sa mission est d’aider les pères à créer et à maintenir de bonnes relations avec leurs enfants, quelles que soient les problématiques qu’ils vivent. 

« Quand j’ai eu le premier diagnostic, en mars [2022], il était clair que je n’avais plus beaucoup de temps. C’était un cancer du pancréas à un stade avancé. Il n’y avait pas beaucoup d’espoir. J’ai redéfini mes priorités. Il fallait que je sois présent pour mes enfants, finaliser le processus d’achat du centre communautaire de RePère et sortir le livre », énumère-t-il.

Quand les médecins lui annoncent sa maladie, un chronomètre se déclenche : il s’engage alors dans une course contre la montre. S’il savait que l’issue fatale était à plus ou moins brève échéance, il ignorait, et ignore encore, à quel moment exactement cela arrivera. 

« J’ai défini ces trois priorités et j’ai demandé au bon Dieu d’avoir assez de temps pour tout faire. »

Si le livre devait être défini comme des mémoires, une large part est consacrée au travail communautaire et à la vision qu’en a Mohammed Barhone.

Des monceaux de sa vie sont racontés sincèrement. Notamment son dernier voyage au Maroc, son pays natal, et son au revoir à sa mère.

Il évoque également, sans faux-fuyants, son court passage en politique et son dérapage verbal malheureux (qui a déclenché une controverse sur l’immigration, en pleine campagne électorale), qu’il explique, sans se justifier, et qui lui a valu moult critiques; lui dont on ne peut douter ni de l’humanité, ni de l’amour du Québec et de tous les Québécois.

 

Livre L’homme en rose – Mémoires d’un combattant, paru en octobre 2022, par Mohammed Barhone.

Ses promesses

Une part importante de l’ouvrage est consacrée aussi à ses deux filles, à peine adolescentes.

« C’est très douloureux de parler du futur que tu risques de ne pas vivre. L’autre jour, ma grande, qui est un peu comme moi et essaie de rester forte, a dit à sa mère: ‘‘Je n’arrive pas à imaginer que mon Daddy n’assistera pas à mon sweet sixteen ou bien à mes fiançailles, mon mariage, mon premier enfant.’’ Quand leur mère me l’a répété, ça m’a tué. C’est très difficile », raconte-t-il. 

Mohammed Barhone a aussi doté son organisme d’un local. Des bureaux et un centre communautaire qui appartient à 100 % à l’organisme, sur le boulevard Henri-Bourassa Est.

« C’est sûr que c’est un processus qui était déjà dans ma tête, mais c’était une ambition personnelle », admet-il.

Donner la pleine autonomie à son organisme, qui a longtemps été locataire au Centre communautaire Ahuntsic, et lui assurer une pérennité était essentiel à ses yeux. Mais il voulait élargir la capacité d’agir de RePère dans le milieu où il se trouve.

Il s’est installé au cœur du Sault-au-Récollet, à un endroit où les services communautaires sont peu nombreux.

« Hier, [le 28 novembre], j’étais avec mon comptable. Il a compris ce qui m’est arrivé et jusqu’à quel point il était important pour moi de garder secrète ma maladie », confie-t-il.

Durant des semaines, il sortait d’un rendez-vous de chimiothérapie en matinée et se rendait à une réunion d’affaires ou de travail l’après-midi. Il voulait absolument aller au bout de ce projet.

« Je ne voulais pas semer le doute dans l’esprit des partenaires ou des banquiers, jusqu’à ce que le processus d’achat soit complété. »

Aujourd’hui, Mohammed Barhone dit contempler la vie avec sérénité même s’il lui reste des détails à terminer pour assurer à ses filles une succession sans turbulences. Le temps qui lui est imparti lui est utile surtout pour fabriquer des souvenirs avec ses proches et vivre, avant les chagrins et le deuil, les joies qu’il est encore possible de connaître.

Le livre L’homme en rose – Mémoires d’un combattant est accessible en ligne sur la plateforme Issuhub.com.

Ce texte a été publié dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier de décembre 2022, à la page 4.

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