Le PDQ 10. (Photo: François Robert-Durand)

Alors que Montréal mène une réflexion sur l’avenir de ses postes de quartier, le poste 10, celui de Bordeaux/Cartierville, est fermé la nuit depuis plusieurs années.

L’actuel chef du Service de police de Montréal (SPVM), Sylvain Caron, a causé toute une commotion en affirmant publiquement, quelques semaines après la dernière élection municipale de novembre dernier, envisager de réformer son service en réduisant le nombre de postes de quartiers.

Selon le chef, du point de vue budgétaire, le SPVM est à la croisée des chemins. M. Caron entendait réaliser des économies en fermant des postes de quartier, pour pouvoir notamment embaucher des policiers additionnels. Le chef affirmait gérer des bâtiments au lieu de policiers sur le terrain. Il ajoutait que c’est normal que la population apprécie la présence de postes de police dans leur quartier, qui rassurent, mais ce sont les agents qui protègent la population, pas les postes de police.

Dans les faits, les comptoirs de service des 29 des 31 postes de police de quartier (PDQ) ferment tous à 19h à Montréal, pour rouvrir à 9h (seuls deux postes sont ouverts 24h), sept jours par semaine. C’est le cas du PDQ numéro 10 de Bordeaux/Cartierville, situé angle O’Brien et Dudemaine.

Le SPVM a confirmé au JDV que les patrouilleurs du PDQ 10 continuent de sillonner le quartier jusqu’à 23h. Pour le quart de nuit, ce sont les patrouilleurs du PDQ 27, angle Papineau et Fleury, qui prennent la relève.

«  Cette situation, en place depuis plusieurs années, garantit une présence sur le terrain en tout temps et des délais de réponse pour les appels au 911 respectant les standards », ajoute la porte-parole du SPVM, Caroline Labelle.

L’avenir

Le SPVM est critiqué depuis des années sur plusieurs fronts. La question de la brutalité policière et du profilage ethnique revient constamment dans les médias, année après année.

On lui reproche aussi de manquer de policiers pour effectuer correctement son travail, une réalité reconnue par l’administration Plante, qui a promis en pleine campagne électorale l’embauche de 250 agents. Après l’élection, la mairesse a été critiquée pour avoir affirmé que cette promesse ne se traduirait pas par de nouvelles embauches, mais par le remplacement d’agents quittant le service par attrition.

Un mouvement bien implanté à Montréal et un peu partout en Amérique du Nord suggère de réduire le budget de la police (defund) pour allouer cet argent aux organismes communautaires actifs sur le terrain. Les promoteurs de cette idée misent sur la prévention de la criminalité par des activités sociocommunautaires et le travail de rue.

Certains aimeraient que Montréal adopte une position à mi-chemin, par la création d’escouades mixtes ou spécialisées comportant des travailleurs de rue. C’est ce qu’a fait la police de Longueuil avec une nouvelle escouade de 17 policiers, intitulée RÉSO, lancée à la fin de 2021, axée sur la prévention davantage que la répression.

Depuis des années, dans les grandes villes, les policiers doivent composer au quotidien avec des problématiques de santé mentale et d’itinérance. Et le phénomène de la violence des gangs de rue inquiète la population, qui s’accompagne d’une recrudescence du trafic d’armes.

La mairesse Valérie Plante a apposé une fin de non-recevoir aux propositions du chef Caron, mais s’est dite ouverte aux réformes.

« À la fin de l’année 2021, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a lancé une réflexion visant à mettre à jour son offre de service à la population et son modèle policier. L’objectif de cet exercice est d’actualiser le modèle policier du SPVM tout en gardant son ADN de police de proximité, et de réviser l’offre de service en fonction des réalités montréalaises et des enjeux actuels et futurs en matière de sécurité publique », a écrit Caroline Labelle au Journaldesvoisons.com.

Cette dernière précise que le SPVM est toujours dans une dynamique de consultation dans ce dossier. Entretemps, aucune fermeture de poste de quartier n’est envisagée.

Territoire violent?

Le PDQ 10 est situé dans un des quartiers les plus pauvres et les plus multiethniques de la métropole. C’est le territoire le moins favorisé de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, où se trouve la RUI (zone de revitalisation urbaine intégrée) du secteur Laurentien/Grenet.

Selon le rapport annuel 2020 pour chaque PDQ du SPVM, le territoire du PDQ 10 (essentiellement l’ouest de l’arrondissement, à partir de la voie ferrée du train de banlieue vers Saint-Jérôme) est l’un de ceux où le nombre de crimes signalés aux policiers est le moins élevé à Montréal. En 2020, 1509 infractions au Code criminel ont été rapportées. Ce chiffre est en baisse par rapport à 2019, où l’on constatait un écart favorable de 30% par rapport à la médiane des 31 PDQ montréalais. En 2019, le PDQ 10 se situait au 25e rang sur 31 PDQ pour le taux de criminalité, avec 30,1 crimes par 1000 habitants, soit 20% de moins que la médiane (37,6) des 31 PDQ.

En 2020, on a rapporté 420 crimes contre la personne (agressions sexuelles, voies de fait, vols qualifiés). Ces agressions sont moins nombreuses que dans la plupart des PDQ. En 2019, le territoire affichait un taux de 8,2 crimes avec violence par 1000 habitants (26e rang à Montréal) et de 4,2 voies de fait par 1000 habitants (28erang).

Le SPVM mentionne que, pour les crimes contre la propriété (vols simples, introduction par effraction, méfaits, fraudes), le taux de crimes du territoire du PDQ 10 est moins élevé que la plupart des PDQ de Montréal… sauf pour le vol de voitures (huitième rang pour le nombre).

Enfin, en 2020, on ne signale aucune infraction reliée à la prostitution et seulement deux reliées aux armes à feu.

Hausse ou baisse de la criminalité?

La criminalité, sur le territoire du PDQ 10, a diminué de 31% entre 2010 et 2019, ce qui se compare à l’ensemble de la métropole. Sur cette période :

  • les crimes contre la personne ont baissé de 5%
  • les vols qualifiés : -8% (comparé à -38% pour Montréal)
  • les crimes contre la propriété : -35%
  • les vols simples : -26%
  • les introductions par effraction : -60%

Par contre, les vols de véhicules moteur ont augmenté de 6% sur cette période, comparativement à une baisse de 44% pour Montréal. Et les fraudes ont explosé, à +50% (+111% pour Montréal).

À court terme, la criminalité a toutefois augmenté dans Bordeaux/Cartierville, entre 2017 et 2019. La criminalité totale a bondi de 8%, comparativement à 2% pour Montréal; les vols qualifiés sont à la hausse de 40%, les vols de véhicules de 76%. À ce chapitre, le PDQ 10 a la peu enviable deuxième place à Montréal. Mais la violence, elle, n’aurait pas augmenté sur le terrain, comme le rapportait le JDV en décembre 2020, alors qu’une vague de violence liée aux gangs de rue, sur fond de pandémie, faisait la manchette.

Meurtre non résolu

Cartierville s’illustre d’une triste façon, par le meurtre de la jeune policière Odette Pinard, le 27 novembre 1995, il y a 27 ans. Le poste de police était alors situé boul. Gouin Ouest, près de Lachapelle. Ce meurtre, sans témoin, n’a jamais été résolu.

De retour d’un congé de maternité, Mme Pinard remplaçait un collègue, seule au comptoir du PDQ 10, lorsqu’un suspect, qui n’a jamais été identifié, est entré dans le poste et lui a tiré une balle dans la tête. La policière n’a jamais eu le temps de dégainer son arme. Le poste était dépourvu de vitre pare-balle ou de caméra de surveillance. C’est une citoyenne qui a découvert le corps. Les parents ont appris le décès de leur fille, mère de deux jeunes enfants à l’époque, au bulletin de nouvelles télévisé.

L’enquête sur ce meurtre est toujours active.

 



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