Enfants à vélo sur le Réseau express vélo (REV), le jour de l’inauguration citoyenne en novembre 2020. (Photo : Philippe Rachiele, JDV)

Des  citoyens, mais aussi des chercheurs constatent que les quartiers de Montréal qui se sont davantage embourgeoisés ces dernières années sont mieux desservis en infrastructures cyclables que les autres.

En regardant la carte des voies cyclables de la région de Montréal publiée par Vélo Québec, un constat saute aux yeux : le Plateau Mont-Royal, Rosemont–Petite-Patrie, Lachine et Hochelaga-Maisonneuve sont pourvus d’un réseau de voies cyclables bien supérieur à Ahuntsic-Cartierville.

Pourtant, notre arrondissement s’est embourgeoisé. Malgré tout, il est peu favorisé. Surtout les secteurs plus pauvres, comme le sud de Cartierville et de Saint-Simon. Certes, l’arrondissement est traversé par l’axe 1 du Réseau express vélo (REV) Berri / Lajeunesse / Saint-Denis, entre Gouin et Crémazie. L’aménagement d’un autre tronçon du REV est prévu sur le boulevard Henri-Bourassa d’ici quelques années.

Toutefois, plusieurs quartiers sont dépourvus de pistes, comme Saraguay, entre Toupin et Laurentien, Cartierville, entre Laurentien et O’Brien, tout le sud de Dudemaine, Bordeaux, entre l’autoroute des Laurentides et Bois-de-Boulogne, le District Central, Saint-Simon et Ahuntsic au sud de Fleury.

Comparativement, on peut contempler de denses réseaux de pistes cyclables sur le Plateau-Mont-Royal, dans Rosemont, dans Saint-Michel au sud de l’autoroute Métropolitaine, dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, dans le Sud-Ouest, ou à Anjou et à Rivière-des-Prairies au nord du boulevard Henri-Bourassa. Ce sont tous des quartiers qui se sont gentrifiés depuis une décennie.

Et le territoire le plus gâté en matière de pistes cyclables? L’Île-des-Sœurs.

Un vieux débat?

« Ce sujet revient régulièrement dans l’actualité, constate Magali Bebronne, directrice des programmes chez Vélo Québec. C’est l’œuf ou la poule : les pistes cyclables créent-elles de l’embourgeoisement ou l’embourgeoisement entraîne-t-il l’aménagement de pistes cyclables? Elles sont souvent perçues comme un facteur précurseur d’embourgeoisement. »

Mme Bebronne soutient toutefois que, dans la réalité, des quartiers excentrés de Montréal manquent cruellement d’infrastructures cyclables, notamment ceux les plus pauvres, même si le vélo permet d’économiser sur les coûts de déplacement.

« Les propositions sont accueillies avec plus de résistance que dans les territoires où le réseau de pistes est plus dense, ajoute-t-elle. Surtout quand ça touche le stationnement. Ça prend un certain courage politique pour pousser des projets de pistes cyclables. »

Elle glisse toutefois que le soutien à Projet Montréal a augmenté aux dernières élections après l’implantation du REV Bellechasse, malgré le caractère très controversé du projet.

« La peur du changement est un frein important, mais une fois que les gens ont une piste cyclable dans leur rue, ils apprécient sa pacification, insiste Frédéric Bataille, porte-parole d’Ahuncycle. Les gens bougonnent, mais ils utilisent rapidement la nouvelle piste. »

Le réseau devrait tout couvrir 

« La solution à l’embourgeoisement, c’est d’aménager des pistes cyclables partout sur le territoire », ajoute-t-il.

Il considère le plan Vision vélo 2023-2027 poussé par l’administration Plante, qui a été lancé à la fin octobre, comme un bon premier pas. Mais il manque plusieurs axes importants dans Ahuntsic-Cartierville.

« Ce n’est pas parce ton quartier est traversé par une seule piste cyclable que c’est équitable, insiste-t-il. Le plan est axé sur l’équité territoriale, mais, pour le moment, on n’a aucune piste sur la rue Grenet, qui pourrait desservir des quartiers pauvres, la future station Bois-Franc du REM [NDLR : Réseau express métropolitain], le YMCA, le centre communautaire et plusieurs parcs. »

Ce dernier se réjouit de la future piste sur la rue Legendre, entre le REV et la rue Meilleur. Cependant il va manquer un lien essentiel vers le Marché central, qu’il faudra aménager sous la voie ferrée.

« Le gros changement, qui va faire une différence, c’est le REV sur Henri-Bourassa, dit-il. Au coin de ma rue, il y a sept vélos accrochés au même poteau. Les besoins sont là. »

Mais les élus annoncent souvent des ajouts au réseau cyclable qui se font attendre pendant des années, critique-t-il.

Types de pistes

Il faut faire une distinction entre les différents types de voies cyclables : les pistes en site propre, c’est-à-dire séparées de la circulation motorisée par des murets de béton ou des bollards, et les bandes cyclables tracées avec de la peinture sur la chaussée ou les chaussées partagées.

« Les gens n’aiment pas trop les bandes cyclables et les chaussées partagées, qu’ils considèrent peu sécuritaires, reprend Frédéric Bataille. Dans Ahuntsic-Cartierville, elles dominent le paysage. »

Certes, l’arrondissement compte deux des premières pistes cyclables de Montréal, qui remontent à l’ère du maire Jean Drapeau. Il s’agit de l’axe Nord-Sud, première piste utilitaire de Montréal, reliant les boulevards Gouin et Crémazie dans l’axe de Christophe-Colomb. L’autre est l’axe Gouin, une piste conçue surtout pour le loisir, mais reconnue pour ses déficiences majeures de conception, que l’arrondissement corrige tranquillement au fil des ans.

L’axe Gouin s’arrête toutefois au parc Beauséjour et zigzague en chaussée partagée sur la rue Jean-Bourdon et le boulevard Gouin, jusqu’au parc-nature du Bois-de-Saraguay, pour finir par se brancher au réseau du parc-nature du Bois-de-Liesse.

Cet aménagement est unanimement dénoncé pour son manque de sécurité par les experts, les défenseurs du vélo et les usagers. Il ne stimule aucunement la pratique du vélo comme moyen de transport utilitaire. Le journaldesvoisins.com (JDV) annonçait au début de novembre que le chantier d’une piste cyclable dans ce secteur, boulevard Gouin Ouest, attendu depuis longtemps, vient d’être reporté.

Désert dans Bordeaux-Cartierville

Outre le boulevard Gouin et un tronçon entre le boulevard Toupin et la future station Bois-Franc du REM, Cartierville ne compte aucune piste en site propre. Même chose dans le Nouveau-Bordeaux, si on exclut la piste du parc Zotique-Racicot.

« Il y a bien une pseudo-piste cyclable sur Dudemaine, ajoute Frédéric Bataille, mais elle sert souvent de stationnement! »

Dans Ahuntsic, la piste de la rue Prieur, aménagée il y a quelques années dans la controverse, est la seule voie utilitaire est-ouest digne de ce nom dans l’arrondissement. Il y a bien un autre tronçon sur Sauriol, entre les rues Saint-Denis et Saint-Firmin, à l’est de Papineau, qui couvre 2,3 km. Et celui sur Émile-Journault ne sert qu’à relier le complexe sportif Claude-Robillard au parc Frédéric-Back.

Les seules pistes en site propre digne de ce nom au nord de Prieur sont celles aménagées récemment par le Marché central dans ses stationnements!

La science

Des chercheurs au sein d’INTERACT, un groupe de recherche rattaché à l’Université de Montréal, ont publié, en septembre, les résultats de leurs travaux, confirmant qu’à Montréal et dans les banlieues immédiates, les quartiers qui se sont embourgeoisés ont bénéficié davantage d’aménagements cyclables que les quartiers pauvres.

Ainsi, en 2011, 5,9 % du réseau cyclable desservait des quartiers gentrifiés, comparé à 7,1 % dans ceux qui n’étaient pas embourgeoisés. Aujourd’hui, c’est 13,3 % pour les premiers et 10,1 % pour les seconds. En dix ans, la proportion s’est carrément inversée.

L’île de Montréal compte 889 km de voies cyclables, selon un récent rapport de la Ville de Montréal.

Mise à jour le 8 décembre : nous avons corrigé la longueur de la piste cyclable de la rue Sauriol, qui fait maintenant 2,3 km, de Saint-Denis à Saint-Firmin (au lieu de Saint-Hubert à Papineau).



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Jérôme Normand
Jérôme Normand
1 Année

La piste Sauriol va de St-Denis à St-Firmin et fait 2,3 km, contrairement à ce qui est affirmé dans l’article.

Rédaction
Rédaction
1 Année
Répondre à  Jérôme Normand

Nous vous remercions de l’intérêt que vous portez au journaldesvoisins.com et pour votre vigilance.
L’information a été mise à jour dans l’article en conséquence.
La Rédaction

Catherine Ferland
Catherine Ferland
1 Année
Répondre à  Jérôme Normand

Quand son prolongement?

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