Manifestation pour l’amélioration de la sécurité autour des écoles. Ici à l’école Saint-Gérard, en décembre 2022. (Photo : Philippe Rachiele, JDV)

La sécurité des piétons et des cyclistes aux abords des écoles préoccupe les citoyens de l’arrondissement. Surtout depuis le décès tragique d’une jeune ukrainienne, happée sur le chemin de l’école dans Hochelaga à la mi-décembre.

Or, le Journal des voisins (JDV) a découvert que les accidents impliquant un véhicule et un piéton, avec décès ou blessé, surviennent rarement dans Ahuntsic-Cartierville. Le JDV a obtenu le total des incidents rapportés pour les postes de police de quartier (PDQ) 10 et 27 pour les premiers trimestres de 2021 et 2022 (de janvier à septembre). Ces deux PDQ couvrent l’essentiel du territoire de l’arrondissement. 

Pour cette période, on compte 1 décès, 5 blessés graves et 58 blessés légers. Comparativement, pour l’ensemble du territoire montréalais, on rapporte 10 décès, 39 blessés graves et 505 blessés légers.

En 2022, le nouveau rapport trimestriel indique 2 piétons blessés gravement. Il ne s’agit pas d’enfants, et ces événements ne se sont pas produits près d’écoles.

En fait, le bilan routier ne cesse de s’améliorer au Québec, selon les chiffres de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Ainsi, le nombre de décès sur les routes est passé de 2209 en 1973 à 347 en 2021. 

Sentiment d’insécurité

Pourtant, le cas de la brigadière heurtée par une voiture le premier jour de son entrée en fonction, devant l’école La Visitation, le 10 janvier dernier, a aggravé le sentiment d’insécurité des parents qui accompagnent leurs enfants aux écoles du quartier. Malgré une série de mesures introduites en 2020 ainsi qu’en 2021 par l’administration Thuillier, les parents ne se sentent toujours pas en sécurité, comme le démontraient les manifestations du début janvier.

Les citoyens dénoncent notamment le non-respect systématique des limites de vitesse dans les zones scolaires, un fait constaté par le JDV en juillet 2020 avec l’utilisation d’un radar portatif par un de nos journalistes.

Mais ces violations répétées des limites de vitesse ne se traduisent pas nécessairement par des décès et des blessés. Pourquoi le sentiment d’insécurité persiste-t-il? 

La réalité et nos perceptions

Les statistiques policières sont-elles fiables? «Elles sont représentatives de la réalité, confirme Rémi Boivin, professeur agrégé à l’École de criminologie de l’Université de Montréal. Même si ces statistiques ne sont pas parfaites, elles reflètent ce qui se passe sur le terrain, d’autant plus qu’elles impliquent souvent plus d’une institution, comme le SPVM [Service de police de la Ville de Montréal], la SAAQ et les assureurs privés, qui ont intérêt à ce que les chiffres soient fiables.»

Le sentiment d’insécurité persiste dans plusieurs domaines, soutient le professeur, même si, en réalité, le niveau de criminalité a beaucoup baissé partout en Occident, sauf dans quelques villes ou pour des crimes précis, comme les crimes sexuels. Même la violence armée est en baisse, malgré les manchettes portant sur les fusillades des dernières années.

«Les gens sont convaincus d’un problème qui n’existe pas, reprend-il. Les sociologues définissent ce phénomène comme une panique morale. Mes propres étudiants ne me croient pas lorsque je leur explique que les crimes violents sont en baisse alors que les crimes contre la propriété sont à la hausse.»

Évidemment, un enfant qui se fait frapper dans une zone scolaire, c’est un accident de trop, soutient-il. «Par contre, d’un point de vue macro, les statistiques montrent que ce type d’accident est en déclin, poursuit-il. Sauf que les gens ne le croient pas. En cette matière, les citoyens ont des attentes très élevées. Ils exigent 100 % de sécurité, mais ça n’arrivera jamais.»

M. Boivin reconnaît toutefois que certaines rues ou zones scolaires ne sont pas sécuritaires de par leur configuration.

Avec la collaboration de notre recherchiste Jean Paul Dubreuil.

Information ajoutée le 14 mars 2023

Marie-Soleil Cloutier, une chercheuse rattachée à l’Institut national de la recherche scientifique et directrice du LAboratoire Piétons et eSpace urbain (LAPS), nous écrivait récemment pour confirmer que «les collisions sont assez peu fréquentes aux abords des écoles dans le premier quadrilatère, pour plusieurs raisons, comme le fait qu’il y a beaucoup d’interventions dans les rues entourant l’école: zone 30 km/h, brigadiers, apaisement de la circulation, etc.».

«Par contre, ces lieux doivent être vus dans la continuité des trajets des piétons dans les milieux de vie, et une seule victime peut avoir des répercussions importantes sur sa famille et tout un quartier, ajoute-t-elle. Dans une Vision Zéro de la sécurité routière, on veut avoir une vision systémique qui ne peuvent écarter des zones sous prétexte qu’il y en a peu…»

 



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