Le nouveau bâtiment résidentiel au coin du boulevard Gouin et de la rue Séguin quand il était en construction. – Secteur patrimonial (Photo : Éloi Fournier, archives JDV)

Les constructions récentes en secteur patrimonial ne laissent personne indifférent. Est-ce une évolution normale ou une tendance urbanistique à proscrire?

Des militants qui défendent le bâti patrimonial à Ahuntsic-Cartierville observent, parfois découragés, que les permis de construction sont donnés à des projets sans considération du milieu historique dans lequel ils s’intègrent.

Architecte à la retraite qui a choisi de vivre dans le Sault-au-Récollet, Jocelyn Duff est souvent de tous les combats pour la préservation du patrimoine bâti à Ahuntsic-Cartierville. Il s’exprime fréquemment sur les médias sociaux, mais aussi dans les médias traditionnels. Il a notamment retrouvé la cloche de l’église de la Visitation.

«Quand c’est rendu que je me déplace au Comité de démolition c’est un pas de plus pour interpeller les élus. Mais l’action n’est pas seulement de questionner les élus, c’est aussi de sensibiliser mes concitoyens», indique-t-il en entrevue avec le Journal des voisins

Jocelyn Duff, architecte et défenseur du patrimoine. (Photo : courtoisie FB).

Pour lui, les outils réglementaires dont disposent les maires, mairesses ou conseillers sont suffisants pour permettre la protection du patrimoine bâti. Le problème, selon lui, se situe ailleurs. «L’arrondissement a une responsabilité, on le remarque. Mais ça le dépasse parfois», observe-t-il.

Experts ou démolisseurs?

Il pointe du doigt le Conseil du patrimoine de Montréal qui, selon lui, donne un avis qui va à contresens de ce qu’il faudrait accepter en ce qui a trait aux nouvelles constructions. Il cite en exemple la maison construite au 1961, boulevard Gouin Est, en remplacement d’un garage ancien. Selon lui, elle ne s’intègre pas dans la trame villageoise autant par sa forme, ses dimensions ou ses matériaux. Notons que les travaux sont menés de manière tout à fait légale.

L’ancien garage du 1961, boul. Gouin Est. (Photo : François Robert-Durand, JDV)

«Ils [les élus de l’arrondissement] sont influencés par le Conseil du patrimoine qui dit, “vous faites une rupture et c’est extraordinaire”», commente-t-il. Le principe adopté est de ne pas copier le passé quand se fait un nouveau projet.

«Ils [le Conseil du patrimoine] ont même donné un nom à ça : contraste complémentaire. C’est du jamais vu! Si nous sommes rendus à donner un nom, cela devient dangereux. Cela signifie qu’ils ne savent probablement pas ce qu’il faut intégrer dans un quartier ancien ou même existant», regrette-t-il.

Il faut souligner toutefois que le Conseil du patrimoine de Montréal plaide dans ses rapports et avis pour la conservation de l’ancien. Selon cet organisme, on ne doit permettre la démolition et le remplacement que dans des cas extrêmes, lorsque la vieille bâtisse est irrécupérable.

Pour Jocelyn Duff, il y a tout de même encore du travail à faire pour informer et éduquer la population. «Les propriétaires font des changements, peut-être qu’ils ne sont pas bien informés», mentionne-t-il.

Il y a aussi les citoyens en général, qui auraient du mal à distinguer entre ce qui est beau et ce qui ne l’est pas. Où est la frontière? Ce n’est pas aussi limpide que ça. Il reste que la question de la préservation du patrimoine concerne tout le monde. «Si je suis tout seul, ben moi je n’irai pas plus loin», admet Jocelyn Duff.

Des règlements plus forts

Une autre figure de la défense du patrimoine à Ahuntsic-Cartierville, Jacques Lebleu (voir entrevue, Belle rencontre), se distingue dans plusieurs débats concernant des chantiers controversés lancés ces dernières années dans l’arrondissement. Pour lui, l’administration au pouvoir à la Ville, Projet Montréal, n’a pas de passion pour le patrimoine. 

Jacques Lebleu. (Photo : Toma Iczkovits, collaboration spéciale)

«Ce n’est pas une révélation, Mme Thuillier peut être fâchée, mais je pense que c’est l’exception en ce qui concerne l’administration de la mairesse Valérie Plante. Il y a une crainte de ne pas avoir l’air assez inclusif quand ils s’adressent à quelque chose qui est trop associé au patrimoine québécois», soutient M. Lebleu.

C’est ce qui expliquerait, selon lui, ces ruptures observées récemment avec les nouvelles constructions dans Sault-au-Récollet. «Il faut que les règlements qui s’appliquent strictement aux nouvelles constructions obligent à respecter le patrimoine dans lequel elles s’insèrent. Ce n’est pas le cas en ce moment. Dès la minute où tu as un permis de démolition, tu peux faire ce que tu veux», note-t-il.

Pour lui c’est un point de divergence majeure avec l’administration, d’autant, souligne-t-il, que cela se passe ainsi depuis les années 1950. «Ça n’a pas tellement changé depuis qu’on a fait le règlement de zonage», conclut-il.

Ce texte a été publié dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier de février 2023, à la page 18. Il fait partie du Dossier Urbanisme, duquel plusieurs autres articles sont reproduits. 

Des histoires d’horreur dans l’arrondissement

Un arrondissement sous pression

Utiliser les bons outils pour protéger le patrimoine

Patrimoine bâti : les limites des règlements



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