Des personnes récupèrent nourriture et canettes d’une benne à ordures d’un magasin d’Ahunstic-Cartierville. (Photo : Toma Iczkovits, collaboration spéciale)

Alors que les études officielles ne dénombrent qu’un seul itinérant dans l’arrondissement, le milieu communautaire avance qu’ils sont bien plus nombreux. Voici notre deuxième volet de notre dossier en trois parties sur l’itinérance à Ahuntsic-Cartierville.

Le RAP Jeunesse (Rue-Action-Prévention), principal organisme communautaire de l’arrondissement qui travaille activement dans le domaine de l’itinérance, publie sur son site une étude réalisée en 2022 par Miguel Bergeron-Longré et Jean-Francois St-Onge, intervenants spécialisés dans l’itinérance.

Ce document révèle que jusqu’à 50 personnes vivraient en situation d’itinérance dans Ahuntsic seulement, quartier qui représente un peu plus du quart de la population de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville (30 000 sur 130 000 personnes).

«Nous ne possédons pas de données précises sur le nombre de personnes en situation d’itinérance qui fréquentent le territoire d’Ahuntsic, écrivait le RAP Jeunesse dans cette étude. Le dénombrement de 2018 évoque la présence d’une seule personne en situation d’itinérance (Latimer et Bordeleau, 2019). Bien sûr, ce chiffre n’est pas représentatif. En fonction des entretiens et des données fournies par le centre de jour de RAP Jeunesse, nous estimons qu’au moins 25 à 50 personnes se trouvent en situation d’itinérance chronique, situationnelle ou cyclique dans Ahuntsic (visible ou invisible). Ce nombre est possiblement plus élevé considérant la variété des expériences vécues qui sont cachées.»

Le RAP Jeunesse écrit aussi que le nombre de personnes en situation d’itinérance varie également en fonction du cycle saisonnier, qui a une forte incidence sur le vécu et la «visibilité» de ces personnes à Ahuntsic.

«Sur ce point, des individus et des groupes de passage au cours de l’été, souvent plus visibles, migrent avec l’arrivée du froid vers des quartiers plus centraux ou voisins, notamment en raison des enjeux d’hébergement», ajoute l’organisme.

Le RAP Jeunesse affirme que la moyenne d’âge des itinérants d’Ahuntsic varierait entre 40 et 50 ans, en fonction des personnes interrogées. La majorité serait des hommes (80 %).

Problèmes de santé mentale

Une autre étude détaillée sur l’itinérance dans le nord de Montréal, réalisée en 2019 pour le compte de la Ville de Montréal, n’offre pas de chiffres précis, mais souligne que le phénomène d’itinérance visible n’est pas majeur dans le nord de l’île de Montréal.

Dans ce document, les spécialistes remarquent «davantage, ces dernières années, la présence d’hommes et de femmes en situation d’errance aux prises avec des problèmes de santé mentale et/ou de dépendance».

Itinérance : un homme et son panier. (Image par Mystic Art Design, courtoisie de Pixabay.com)

Plus nombreux qu’avant  

Si les experts ne s’entendent pas sur le nombre d’itinérants, le Journal des voisins leur a demandé s’il y en avait davantage aujourd’hui, dans Ahuntsic-Cartierville, qu’en 2018. La réponse a été unanime : le nombre de sans-abris a augmenté! Policiers, organismes communautaires, banques alimentaires, professionnels du CIUSS, chercheurs, tous constatent cette triste réalité.

Les responsables du centre de jour du Rap Jeunesse nous indiquent, chiffres à l’appui, que la fréquentation a beaucoup augmenté. Ainsi, le nombre total de visiteurs est passé de 175 en 2021 à 250 en 2022. On parle de 15 visites par jour en 2021 et de 25 en 2022. Toutefois, cette hausse pourrait s’expliquer par le fait que le centre a déménagé de la rue Laverdure, un site moins accessible, vers son adresse actuelle sur le boulevard Henri-Bourassa, près du boulevard Saint-Laurent.

Le RAP Jeunesse souligne que l’âge moyen de ses visiteurs est de 45 à 50 ans pour les hommes (75 % de la clientèle) et de 45 à 55 ans pour les femmes.

Il faut cependant considérer qu’avant la pandémie, jusqu’en 2018, il y avait peu de sans-abris dans Ahuntsic-Cartierville. Malgré l’augmentation récente, leur nombre absolu est relativement plus faible que dans d’autres arrondissements montréalais. Cela s’explique beaucoup par l’absence de lieux d’hébergement.

Car les itinérants ont tendance à évoluer à proximité des centres d’hébergement et de transition, particulièrement en saison froide. Or, Ahuntsic-Cartierville n’offre aucun service de ce genre pour cette clientèle. Cette situation expliquerait pourquoi «nos» itinérants quittent vers les quartiers où il y a une telle offre de service.

 

L’Accès-Soir, la roulotte utilisée par RAP Jeunesse pour rencontrer les usagers. (Photo : François Robert-Durand, JDV)

Où sont-ils?

Les travailleurs sociaux et de rue, ainsi que les policiers, connaissent assez bien les lieux fréquentés par les itinérants dans l’arrondissement.

En gros, le jour, ils fréquentent surtout les stations de métro, les rues commerciales pour quêter, le centre de jour du RAP Jeunesse, les banques alimentaires, certains restaurants de nourriture rapides, parfois les bibliothèques.

La nuit, ils sillonnent les rues industrielles désertées, les entrées chauffées des immeubles, les guichets automatiques et les édifices abandonnés. L’été, on les croise souvent dans les parcs publics.

Surveillez la parution demain du troisième et dernier volet de notre dossier sur l’itinérance à Ahuntsic-Cartierville.

À lire :

1er volet de ce dossier sur l’itinérance (27 février 2023).

3e volet de ce dossier sur l’itinérance (1er mars 2023).

À écouter : balado sur Pierre Braun, itinérant et musicien.

 



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