Mélanie Bossé, cheffe de section, bibliothèque d’Ahuntsic, devant le robot trieur Mots-passants. (Photo: Amine Esseghir, JDV)

Les augures prédisaient qu’à plus ou moins brève échéance, le livre en papier était voué à disparaître, tué par les nouvelles technologies. Pourtant le robot trieur de la bibliothèque d’Ahuntsic, un outil dit intelligent, maintient non seulement vivants les vieux livres reliés, mais leur donne carrément un nouveau souffle en favorisant leur usage.

Un extrait de cet article, faisant partie du dossier Technologie, est paru dans la version imprimée du Journal des voisinsle Mag papier d’août-septembre 2023, à la page 26. 

«Mots-passants» (allusion à l’auteur Guy de Maupassant), c’est le nom de ce robot de retour automatisé qui constitue aussi une attraction de la bibliothèque d’Ahuntsic. Dans son local vitré, on peut s’émouvoir d’observer les livres s’éloigner sur un convoyeur avant leur chute inexorable dans un de ses neuf bacs. C’est le plus gros robot trieur du réseau des 45 bibliothèques de la Ville de Montréal. Il pourrait traiter 2400 documents à l’heure.

«Dans notre cas, avec la vitesse de réponse de notre système de gestion automatisé Sierra [qui fait le lien avec le catalogue de la bibliothèque et les dossiers des usagers], ce serait plutôt autour de 1500 à 1800 par heure», indique Mélanie Bossé, cheffe de section, bibliothèque d’Ahuntsic.

Ce robot est autonome et les usagers ont gagné la liberté de se promener dans les rayons pour faire leurs choix. «Le gros avantage, avec le robot, c’est de passer à la technologie RFID. Chaque document a son code [pour pouvoir être identifié], ce qui permet aux usagers aussi de faire les “auto-prêts” au libre-service», relève Mme Bossé.

La technologie RFID (pour Radio Frequency Identification, soit l’identification par radiofréquence) est notamment utilisée à la caisse des supermarchés, lorsque l’on tape sa carte de débit ou de crédit sur le lecteur pour un paiement rapide.

Le système de retour automatisé nommé «Mots-passants» à la suite d’un concours tenu auprès des usagers en 2021 à la bibliothèque d’Ahuntsic-Cartierville, située rue Lajeunesse. (Photo: courtoisie Ville de Montréal)

L’espace pour le vrai livre?

Cela fait longtemps que les cardex, les petits meubles qui contiennent les fiches permettant de retrouver les livres, ont quitté les bibliothèques, mais ils n’ont pas emporté les livres avec eux. Si la bibliothèque d’Ahuntsic a besoin d’un robot trieur, c’est parce que ce sont de vrais objets, des livres physiques, qui sont empruntés.

Si c’étaient des documents numériques, un programme ferait largement le travail virtuellement. Certes, des livres numériques sont proposés, mais ils ont constitué moins de 9 % du total des prêts en 2022 à Ahuntsic (voir encadré).

Sinon, nul besoin de l’aide de bibliothécaires, même s’ils sont toujours disponibles, pour se retrouver et pour emprunter. Le lecteur ou la lectrice peut venir prendre ses livres, partir, revenir, remettre ses documents sans jamais parler à personne, comme s’il se promenait dans sa bibliothèque personnelle.

«C’est ce qu’on appelle aussi les tiers lieux, le troisième endroit entre le travail ou l’école et la maison. C’est là où l’on passe le plus de temps au fond et on s’approprie cet espace», explique Mme Bossé.

Mélanie Bossé, cheffe de section, bibliothèque d’Ahuntsic, devant le robot trieur Mots-passants. (Photo: Amine Esseghir, JDV)

L’appropriation des lieux est d’ailleurs tellement encouragée que le nom du robot, Mots-passants, a été choisi après un concours. C’est une citoyenne, Geneviève Lacroix-Bisson, qui avait remporté les suffrages en octobre 2021.

Faciliter la vie des livres

Le robot, entièrement autonome, facilite la gestion des retours et rend ainsi plus efficace la gestion des prêts. «Il fait les retours automatiquement. Dès que le document est remis dans le robot, il est enlevé du dossier de l’usager», précise Mme Bossé. Cela permet de rendre vite ses documents et de repartir faire le plein de livres en toute sérénité.

«Autrefois, quand les gens déposaient [les documents] dans la chute, qui était non intelligente, ils revenaient pour emprunter alors que leur maximum de documents était déjà atteint [dans leur dossier]», souligne Mme Bossé. Il fallait qu’un bibliothécaire aille fouiller, trouver les bons documents, les retirer, remettre le compte à zéro et autoriser le prêt de nouveau.

Considérons aussi la vitesse à laquelle l’usager peut rendre les livres empruntés. Chaque personne inscrite a droit à 40 documents. «Les gens trouvent que c’est beaucoup, mais pour une famille, entre les livres, les magazines et les films, c’est juste une moyenne quand elle met tout cela sur un seul dossier», relève la responsable de la bibliothèque.

Le robot permet donc à la famille de repartir les sacs pleins de livres, de films et de bons moments à passer.

Une bibliothèque fortement sollicitée

Ce qui intéresse les responsables de la bibliothèque, c’est de faciliter la vie des usagers et de gérer efficacement les prêts. Et les prêts à la bibliothèque d’Ahuntsic, il y en a beaucoup. En 2022, avec plus de 420 500 retours, elle se classait la première à Montréal. Elle devançait de plus de 100 000 retours ceux de la deuxième, la bibliothèque Benny à Notre-Dame-de-Grâce (arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce).

La moyenne mensuelle dépasse les 35 000 retours à Ahuntsic. En mars de cette année uniquement, on a emprunté plus de 47 000 documents. Quant à la fréquentation, Ahuntsic a compté 235 512 usagers en 2022, en quatrième position derrière Benny qui affiche presque 300 000 usagers, Rosemont avec 246 000 et Saint-Léonard avec près de 238 000.

Le système de retour automatisé nommé «Mots-passants» à la suite d’un concours tenu auprès des usagers en 2021 à la bibliothèque d’Ahuntsic-Cartierville, située rue Lajeunesse. (Photo: courtoisie Ville de Montréal)



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