Présence policière
La police est de plus en plus visible à Ahuntsic-Cartierville. (Photo : Archives, JDV)

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Des coups de feu et des victimes de violence armée à Ahuntsic-Cartierville suscitent des préoccupations. Des citoyens s’expriment publiquement, sur les réseaux sociaux et ailleurs, se demandant s’il est encore sécuritaire de vivre dans un quartier pourtant réputé calme.

« Je commence à avoir un peu peur, car je trouve qu’il y a pas mal de signalement d’intervention de la police. Je serai dans la rue Jeanne-Mance proche de l’intersection rue Sauvé Ouest. En toute honnêteté, est-ce que c’est assez sécurisé pour y vivre avec mes enfants? » se demandait une future habitante du quartier sur le groupe Facebook Ahuntsic.

Un résidant du quartier publiait aussi sur sa page personnelle, ce dimanche 21 août pour exprimer son inquiétude.

« Les balles perdues atteignent toujours leurs cibles. (…) J’adore marcher le soir, mais depuis peu ma ville a perdu de son innocence et le citoyen que je suis aussi. Je ne regarde plus un véhicule ralentir sur un coin de rue de la même manière même si son innocent chauffeur cherche une adresse pour livrer son colis. Je suis figé et perplexe. Chaque vitre ouverte et chaque bagnole est devenue dans mon esprit un chariot de la mort. Je suis otage de cette pensée, je suis craintif, je préfère grossir sur mon canapé qu’affronter la loterie du gangster pubère. »

Il regrettait à la fin de son texte que « …maintenant j’habite une zone de combat, presque chaque soirée est devenue triste et dangereuse. Montréal la naïve tu me manques ».

Cet échantillon de dizaines de textes croisés sur Facebook, notamment, étaient publiés après les trois meurtres commis par Abdulla Shaikh au début du mois et dont a été victime un résidant du quartier, Mohamed Salah Belhaj. Le meurtrier a été abattu le 4 août par la police dans un motel de l’arrondissement Saint-Laurent.

Préoccupations

Quand on s’inquiète pour sa sécurité, on ne se rue pas uniquement sur les médias sociaux. Plus concrètement, on appelle la police.

« Il y a plusieurs citoyens qui nous ont fait part de leurs préoccupations sur la sécurité dans le quartier », reconnaît le commandant du poste de quartier (PDQ) 27, Jean-Michel Brunet.

Depuis le début de l’année, le PDQ 27 a reçu 65 appels pour des coups de feu ou la présence d’armes à feu. Un seul était fondé. « Il y a beaucoup de feux d’artifice », remarque M. Brunet.

Toutefois, même si les statistiques indiquent qu’il y a peu de chance qu’un appel pour coup de feu soit avéré, les policiers se déplaceront toujours.

« On veut que les citoyens continuent de nous appeler quand il y a des circonstances de ce genre. On ne veut pas en manquer », avertit M. Brunet.

Pour les feux d’artifice, il rappelle qu’il faut avoir un permis de pyrotechnie.

Besoin d’en parler

Les gens se sont adressés aux policiers en parlant aux patrouilleurs, en voiture ou à pied, ou en appelant le PDQ. Faut-il le mentionner? Dans les jours qui ont suivi le triple meurtre du début août à Montréal et à Laval, des agents et des cadets étaient visibles, à plusieurs endroits en même temps.

Ce branle-bas de combat pourrait signifier que le calme légendaire d’Ahuntsic-Cartierville était en péril. Il n’en est rien.

« Le territoire d’Ahuntsic-Cartierville demeure très sécuritaire, mais on comprend que la quiétude peut être troublée », prévient M. Brunet.

Chiffres criminalité
(Infograpĥie : JDV)

En fait, les policiers du PDQ sont sortis aussi parler aux gens. Ils n’ont pas simplement répondu à des appels pour des événements précis, mais ont surtout été appelé à gérer des perceptions.

« Les policiers doivent assurer la sécurité des gens de par leur mission policière, mais doivent aussi renforcer le sentiment de sécurité », admet le commandant Brunet.

Les policiers ne sont pas seuls sur le terrain. Ils travaillent aussi en partenariat avec les organismes locaux, le CIUSSS, les travailleurs de rue et notamment Tandem.

« On réalise au fil du temps que tout seul on n’y arrivera pas. Il faut travailler en équipe et c’est comme cela qu’on sera en mesure de faire toute la différence », souligne le commandant du PDQ 27.

Le programme de sécurité urbaine de Montréal est géré dans le quartier par Tandem Ahuntsic-Cartierville qui couvre tout l’arrondissement.

« Nous sommes proactifs. Quand c’est arrivé, l’après-midi même, nos patrouilleurs se sont concentrés dans la section du parc Saint-Benoit et ils ont jasé avec les gens », mentionne Léo Fiore, directeur de Tandem Ahuntsic-Cartierville.

Cette opération menée juste après le meurtre de Mohamed Salah Belhaj était destinée à rassurer les gens.

« Quand on fait du porte-à-porte, il y a des gens qui nous disent qu’ils sont inquiets et nous leur demandons ce qu’on peut faire. Les citoyens sont contents de nous parler et ça devient indirectement un moyen de se rendre visible et de renforcer le sentiment de sécurité », commente M. Fiore.

Les citoyens n’étaient pas en panique. Toutefois, ces rencontres sur le pas de la porte ont eu le mérite aussi de percevoir une préoccupation inattendue.

« On a entendu des jeunes qui nous disaient qu’ils ne sortaient plus le soir s’ils n’avaient une bonne raison », dit le directeur de Tandem.

L’odeur de la poudre

Que se passe-t-il exactement? La présence d’armes à feu et la violence armée ne sont pas des nouveautés, mais cela semble prendre une nouvelle ampleur.

« C’est une violence qui est énormément issue des réseaux sociaux. C’est un secteur très chaud. Il s’en passe des choses », observe le commandant du PDQ 27.

Les gangs de rue, qu’ils soient criminalisés ou non, les utilisent. C’est un lieu où ils sont de plus en plus présents. Pour répondre à ce phénomène, les policiers ne sont pas seulement dans la rue, ils font également de la vigie.

« Il n’y a pas de solution simple. C’est une culture qui banalise la violence par armes a feu », indique M. Brunet.

Les gangs se défient, se provoquent, se menacent et pointent des exploits.

« Les opinions sont assez tranchantes. On les a vus [les gangs] rendre hommage à des événements du passé et ils veulent se lier à cela », décrit le chef du PDQ 27.

Il observe aussi que les armes à feu sont plus accessibles. On les voit entre les mains des jeunes.

« L’approvisionnement est devenu beaucoup plus facile par l’importation ou le vol. Il y a aussi un marché de la revente qui s’est développé à des prix relativement importants. On peut se prêter une arme à feu ou se la louer. On ne voyait pas cela avant. En tous les cas, ce n’était pas aussi populaire que maintenant », relève M. Brunet.

Faire face

« La lutte contre la violence par arme à feu c’est la priorité numéro un au SPVM », assure M. Brunet.

Il souligne qu’en 2021, 92 % des affaires liées aux armes à feu sont résolues à Montréal et au moins 628 armes ont été saisies après des opérations policières. « Cela exclut les remises volontaires, comme le citoyen qui ne veut plus utiliser une arme longue. Ou un membre de la famille est décédé, on s’est rendu compte qu’il avait des armes, etc. »

Cette lutte contre la prolifération des armes à feu se déploie aussi dans les postes de quartier.

À Ahuntsic-Cartierville, il y a un plan d’action en cinq volets, qui comprend notamment la nécessité d’assurer un maximum de présence. Cela englobe le renseignement grâce à la collaboration des organismes et des citoyens.

« C’est un plan d’action concerté. On ne veut pas seulement leur dire vers quoi on s’en va. On veut aussi qu’ils fassent partie de la solution », convient M. Brunet.

La réponse policière ne peut pas être à ses yeux une simple réaction répressive et de lutte contre le crime.

« La police de proximité, ce n’est pas seulement un poste de quartier. C’est aussi une philosophie à mettre en place avec des actions concrètes, un plan d’action et des idées. On peut essayer des choix et si ça ne donne pas les résultats escomptés, il ne faut pas avoir peur de s’ajuster », explique le commandant Brunet.

Ce texte est le premier de deux articles sur le sentiment d’insécurité dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville. Pour lire la suite : cliquez ici



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