Signe que la troisième vague est bel et bien arrivée, Ahuntsic-Cartierville a enregistré la semaine dernière sa plus forte hausse de nouveaux cas depuis la fin décembre.

L’augmentation des nouveaux cas rapportée dans l’arrondissement est en phase avec la tendance qui se dessine dans la plus récente mise à jour sur les risques d’hospitalisation et les projections des besoins hospitaliers, publiée jeudi par l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS).

L’état de situation du 30 mars produit par la Direction régionale de la santé publique de Montréal (DRSP) fait état de 168 nouveaux cas dans l’arrondissement entre le 23 et le 29 mars, soit une hausse de plus de 20 % par rapport à la semaine précédente. Le taux d’incidence est ainsi remonté à 125,14 nouveaux cas par 100 000 habitants, un niveau comparable à celui observé au cœur de la deuxième vague en novembre dernier qui n’avait pas été atteint depuis la fin février.

Huit décès sont survenus dans les 14 derniers jours, portant le total à 473. Au moins trois des plus récents décès sont liés à une éclosion survenue à la résidence Ora où il ne subsistait qu’un seul cas actif en date du 29 mars, selon l’état de situation des cas et des décès publié par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Avec 326 cas enregistrés depuis la mi-mars, Ahuntsic–Cartierville se classe au cinquième rang des arrondissements comptant le plus de nouveaux cas à Montréal. Près du tiers de ces nouveaux cas ont d’ailleurs été rapportés dans Bordeaux-Cartierville qui figure parmi les secteurs de voisinage comptant plus de 100 nouveaux cas et parmi ceux qui ont connu une hausse de plus de 25 cas depuis deux semaines.

Quatre secteurs de l’arrondissement figurent pour leur part sur la liste des 30 secteurs de voisinage ayant les taux d’incidence les plus élevés à Montréal, soit Ahuntsic (15 nouveaux cas, 285,99 cas/100 000 habitants); Ahuntsic-Nord-Ouest (19 cas, 132,59/100 000); Saint-Sulpice (24 cas, 193,94/100 000); et Saint-Sulpice-Ouest (196,08).

Les variants gagnent du terrain

Il est impossible de dire combien de ces cas sont liés à des variants. La DRSP explique en effet ne pas être en mesure de fournir des données sur la répartition des cas de variants à l’échelle locale. On indique que toute demande d’information concernant les variants doit passer par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). L’INSPQ n’avait pas répondu à notre demande au moment de publier.

Selon les informations obtenues par le JDV, au moins sept cas de variants ont été rapportés des écoles de l’arrondissement le mois dernier, dont la plupart cette semaine. Sachant que l’INSPQ a estimé que le taux de reproduction des variants a varié entre 1,1 et 1,5 depuis le début mars, on peut extrapoler que ces sept cas documentés ont pu entraîner à eux seuls entre 8 et 11 autres cas.

Il est difficile d’obtenir un portrait précis de la progression des variants, comme le souligne un expert interviewé dans La Presse qui dénonce un « manque de transparence » dans les statistiques publiées par l’INSPQ. Des données colligées par La Presse montrent une progression exponentielle du nombre de cas de variants à partir de la mi-mars. La Presse rapporte également qu’à l’échelle du Québec, la proportion du total des cas liés aux variants est passée d’un peu moins de 15 % le 28 février à près de 50 % le 30 mars.

En extrapolant à partir de ces chiffres, on peut évaluer qu’entre 100 et 300 cas sur les quelque 651 cas rapportés dans l’arrondissement dans les 28 derniers jours pourraient liés à des variants.

Plus de 75 % des cas chez les 55 ans et moins

À la demande du JDV, la DRSP a détaillé la répartition des cas par groupe d’âge pour la période du 1er au 29 mars.

Les jeunes d’âge préscolaire-primaire, soit les 0 à 17 ans, comptent pour 25 % des cas, tandis que les adultes de 18 à 54 ans représentent 50 % des cas. Ce sont donc les trois quarts des personnes infectées dans Ahuntsic-Cartierville qui appartiennent à des groupes d’âge qui n’ont pas encore été vaccinés. Le groupe des 35-44 ans représente à lui seul près de 20 % des cas rapportés en mars.

Cette donnée pourrait se révéler préoccupante dans les prochaines semaines, sachant que les variants semblent causer plus de cas sévères et d’hospitalisations même chez des adultes en bonne santé.

« Maintenant, l’âge moyen et l’âge médian des patients hospitalisés est plus faible », soulignait la démographe Simona Bignami en marge d’une entrevue sur la situation dans les écoles en début de semaine.

Léger recul des hospitalisations

Après une pointe de 45 cas la semaine dernière, les hospitalisations sont redescendues au niveau où elles avaient stagné à la mi-mars.

En date du 31 mars, 36 personnes étaient ainsi soignées pour la COVID dans les centres hospitaliers du Centre intégré universitaire de santé et services sociaux (CIUSSS) du Nord-de-l’Île-de-Montréal, dont sept étaient aux soins intensifs à l’hôpital Sacré-Cœur.

Le CIUSSS n’a pas répondu à la question du JDV qui demandait de connaître l’âge moyen des personnes hospitalisées et la durée moyenne des hospitalisations.

Le JDV a également souhaité savoir si le CIUSSS pratiquait le « décovidage » des patients hospitalisés plus de 21 jours, une pratique mise au jour par l’intensiviste Amélie Boisclair il y a quelques jours sur Twitter :

Le CIUSSS n’a pas répondu à savoir si des usagers sont hospitalisés en lien avec la COVID depuis plus de 21 jours

« Les patients guéris sont retirés de la zone chaude lorsqu’ils ne sont plus contagieux. Il peut arriver que des patients doivent demeurés hospitalisés en zone froide au-delà de leur épisode de contagiosité. C’est différent pour chaque patient », se contente d’indiquer Séléna Champagne, conseillère aux relations médias et aux affaires publiques au CIUSSS.

Mme Champagne précise qu’une personne infectée par la COVID-19 peut être admise dans une zone chaude aux soins réguliers ou aux soins intensifs pour ensuite être transférée aux soins intensifs en zone froide une fois guérie de la COVID-19. Elle ne dit pas cependant si des patients admis pour la COVID sont actuellement hospitalisés sans être comptabilisés dans les statistiques quotidiennes tenues par le MSSS.

La capacité hospitalière résiste… pour l’instant

Dans ses projections mises à jour en date du 1er avril, l’INESS prévoit que le taux d’occupation des lits réguliers et de soins intensifs se maintiendra à son niveau actuel dans la région montréalaise pour deux à trois semaines encore.

« Lors du démarrage d’une nouvelle vague, comme cela semble être le cas présentement, les projections sous-estiment le nombre de lits occupés », prévient toutefois l’INESS qui base ses projections sur les données colligées jusqu’au 26 mars.

Or, dans Ahuntsic-Cartierville, on a déjà observé une nette accélération des cas quotidiens dans les derniers jours. Alors que l’on comptait en moyenne une vingtaine de cas par jours en mars, la moyenne est montée à 32 cas par jour depuis le début de la semaine, avec un pic de 43 nouveaux cas hier, selon les données quotidiennes de le DRSP compilées par le JDV.

« Le déclin de février était un déclin un peu artificiel », estime Simona Bignami.

Selon elle, la baisse observée jusqu’au mois dernier reflétait probablement davantage le déclin des cas liés à la souche originale du Sars-Cov-2 qu’un véritable repli de la deuxième vague.

Alors que le premier ministre du Québec, François Legault, a pointé du doigt les rassemblements privés dans les maisons pour expliquer la hausse des cas observée depuis une semaine, seule une éclosion de huit cas liée à des activités sociales privées a été rapportée depuis une semaine sur le territoire du CIUSSS du Nord.

Par comparaison, l’éclosion à la prison de Bordeaux, qui ne compte plus qu’un seul cas actif en date du 1er avril, compte à elle seule pour près de 300 cas, soit plus du tiers des quelque 830 cas liés à des éclosions dans le Nord de l’île.

La DRSP rapporte par ailleurs une quarantaine d’éclosions en milieu scolaire ou de garde sur le territoire du CIUSSS, ce qui représentent près de la moitié des éclosions actives et plus de 20 % des cas.

Notons qu’il est impossible de savoir combien de ces éclosions sont survenues sur le territoire d’Ahuntsic-Cartierville, la DRSP se refusant systématiquement à commenter les « cas particuliers ».

Comme de nombreux spécialistes, Simon Bignami estime que les allégements aux mesures sanitaires ainsi que le retour à temps plein en présence des élèves du deuxième cycle du secondaire arrivent à un bien mauvais moment, alors que la transmission communautaire demeure très élevée et que les variants sont en croissance exponentielle.

« On a vraiment donné feu vert du virus pour se répandre le plus possible partout », s’inquiète la démographe.

À son avis, deux facteurs pourraient encore permettre de limiter la progression du virus à court terme : la fermeture des écoles pour la longue fin de semaine de Pâques et les progrès de la campagne de vaccination.

La vaccination avance à grands pas

À ce chapitre, les résultats sont encourageants. Le CIUSSS indique avoir administré quelque 76 000 doses de vaccin en date du 31 mars. Près de 19 000 personnes supplémentaires ont ainsi été vaccinées en 10 jours, soit la plus forte progression dans le rythme de la campagne de vaccination dans la population générale depuis son lancement le 1er mars.

Un projet pilote de vaccination mobile a été lancé cette semaine dans Montréal-Nord, Saint-Laurent et Villeray, mais rien n’est encore prévu pour Ahuntsic-Cartierville.

« Le projet est encore à ses débuts donc rien n’est exclu pour la suite. La clientèle est ciblée selon différents facteurs, comme le taux de vaccination, la présence de variants, la vulnérabilité socio-économique d’un quartier », explique Séléna Champagne.

La suspension de l’usage du vaccin d’AstraZeneca chez les 55 ans et moins annoncé cette semaine ne devrait pas avoir d’impact sur la vaccination qui demeure pour l’instant réservée aux personnes de 60 ans et plus dans la région de Montréal.

Un programme de transport vers les centres de vaccination a par ailleurs été annoncé à la fin de la semaine dernière. Entraide Ahuntsic-Nord et le Centre d’action bénévole Bordeaux-Cartierville (CABBC) sont les deux organismes responsables de coordonner le service de navette dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville pour les personnes ayant besoin d’un transport pour se rendre à leur rendez-vous de vaccination.



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sylvain bruneau
sylvain bruneau
3 Années

Merci pour cet excellent reportage. Très pertinent. Bizarre tout de même l’opacité du CIUSSS pour certaines questions. On ne demande pas des détails sur des cas individuels, juste des statistiques et des informations pertinentes pour connaître l’évolution de la pandémie. Plus la population est informée, plus que la mise en place de saines mesures sanitaires sera suivie !

André Ledoux
André Ledoux
3 Années

Excellent reportage. Grand merci. On n’a jamais trop de bonnes infos. Cela nous invite à la plus grande prudence. André Ledoux

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