Le ministre des Transports du Québec, François Bonnardel, s’est récemment réjoui de l’annonce du prolongement de l’autoroute 19 (A-19) au nord de Laval. Cependant, cette nouvelle pourrait avoir des impacts négatifs sur la circulation dans Ahuntsic-Cartierville.
En effet, la circulation est déjà un enjeu important dans le secteur du Sault-au-Récollet, et la sécurité l’est tout autant. La limite de vitesse passe de 90 à 70 puis à 50 km/h sur le pont Papineau-Leblanc, juste avant que les voitures n’entrent en territoire montréalais. En 2019, une piétonne âgée de 72 ans avait été happée par une voiture à l’intersection de l’avenue Papineau et du boulevard Henri-Bourassa, tout juste à la sortie de l’autoroute 19.
Récemment, le groupe Ahuncycle a expliqué au JDV qu’il avait « fait une demande auprès du ministère des Transports pour enlever le statut d’autoroute au moins sur le pont Papineau », dans le but de sécuriser l’avenue. Celle-ci est déjà particulièrement sollicitée aux heures de pointe, notamment par les automobilistes de la Rive-Nord.
La circulation est souvent au ralenti au nord de Laval, avant d’arriver à la hauteur de
l’autoroute 640, et les résidants de la banlieue tenaient à ce qu’une voie soit ajoutée sur l’autoroute 19, un projet qui avait déjà été étudié par de nombreux gouvernements au fil des ans.
« Ces travaux permettront de résoudre des problèmes de congestion alors que des milliers de déplacements sont effectués sur cet axe chaque jour. Ils permettront également une meilleure offre de transport collectif et de déplacements durables aux citoyennes et citoyens de Laval et de la couronne nord », a souligné François Bonnardel dans un communiqué de presse.
Le maire de Laval, Stéphane Boyer, s’est aussi réjoui de la nouvelle, tout comme la Coalition pour le parachèvement de l’A19 avec voies réservées, composée de résidants de Bois-des-Filion.
Impacts sur notre arrondissement
Cependant, le conseiller du district du Sault-au-Récollet, Jérôme Normand, est beaucoup plus frileux quant à ce projet. Même si une voie dans chaque direction sera réservée aux autobus, aux véhicules électriques et au covoiturage, ce n’est pas assez pour convaincre le conseiller des bienfaits du projet pour les résidants d’Ahuntsic.
« Ce qui a été démontré dans le rapport du BAPE [ndlr : présenté en 2015], c’est qu’il y aurait une augmentation du volume de véhicules, particulièrement aux heures de pointe. Nous sommes intervenus auprès du MTQ à plusieurs reprises pour tenter de trouver des solutions, dont des écrans acoustiques, mais on n’a pas la même vision [que le Ministère] », dit-il.
En effet, le rapport du BAPE mentionne que « la demande véhiculaire excède la capacité de l’intersection de la rue Papineau et du boulevard Henri-Bourassa », ce qui fait craindre à plusieurs intervenants qu’une partie des voitures se retrouvera dans les rues résidentielles du Sault-au-Récollet. L’arrondissement tente d’obtenir le virage à gauche (vers l’est) sur le boulevard Henri-Bourassa pour les voitures qui arrivent en ville, mais sans succès jusqu’à présent.
« Il faut que la circulation de transit soit distribuée sur les artères, explique Jérôme Normand. Le fait qu’on ne puisse pas tourner vers l’est sur Henri-Bourassa crée cette circulation de transit, parce que les gens vont tourner à droite trois fois en contournant par le boulevard Gouin. Tant que le virage à gauche n’est pas établi, il faut mettre en place des mesures compensatoires comme des dos d’âne, des radars photo, des afficheurs de vitesse… »
Le conseiller mentionne qu’il a rencontré beaucoup de citoyens très mobilisés. Rappelons qu’en 2017, une manifestation organisée par la Coalition pour un boulevard Papineau avait eu lieu afin d’interpeller les élus dans le but de rendre l’artère « viable pour tous ». Une pétition avait été présentée à la députée Marie Montpetit qui, à l’époque, représentait le parti au pouvoir à l’Assemblée nationale. Journaldesvoisins.com a tenté de joindre Mme Montpetit afin de connaître son avis sur le projet actuellement présenté par le MTQ, mais sans succès.
Un mur pour les Récollétains?
D’après Jérôme Normand, les résidants du Sault-au-Récollet sont très en faveur de l’installation d’un mur antibruit (depuis 1995, dit-il) – et ceux-ci pourraient recevoir de bonnes nouvelles éventuellement :
« De tous les dossiers que nous traitons avec le MTQ, c’est celui pour lequel l’ouverture est la plus grande et c’est celui qui risque de se matérialiser en premier », croit-il.
L’arrondissement est en attente d’une analyse des coûts fournie par le Ministère et, une fois que celle-ci sera reçue, M. Normand est confiant que les deux parties en arriveront à un accord pour le partage des dépenses.
Notons, en terminant, qu’aucune voie cyclable n’est prévue pour relier Montréal et la Rive-Nord, par le Pont Papineau, sur l’ajout routier prévu, malgré les demandes faites par le groupe Ahuncycle, notamment. Quant au transport collectif, il avait été démontré par quelques citoyens et groupes lors des audiences du BAPE que le transport collectif tel qu’il est actuellement n’est pas très développé sur cet axe routier, pas assez pour que les résidants de la Rive-Nord favorisent ce choix au détriment de la voiture solo.
Circulation induite
La théorie du trafic induit, avancée par des chercheurs depuis plusieurs années, avance que l’ajout d’infrastructures routières ne diminue pas la circulation sur les routes en raison de l’augmentation de la demande.
Selon Catherine Morency, professeure titulaire au Département des génies civil, géologique et des mines à Polytechnique Montréal, et spécialiste des questions de transport, l’ajout d’une voie réservée aux autobus, aux véhicules électriques et au covoiturage ne va pas être moins nuisible.
« Les voies réservées au covoiturage et aux véhicules électriques ne vont pas réduire la demande. […] Pour les véhicules électriques, ils ne sont pas moins dangereux, n’occupent pas moins d’espace, et globalement, n’ont pas tant de gains environnementaux et économiques globaux que cela », a-t-elle déclaré au JDV.
Frédéric Bataille, porte-parole du groupe Ahuncycle, s’inquiète de la pression que la circulation induite amènera dans les rues de l’arrondissement, notamment pour les jeunes cyclistes qui se déplacent vers les écoles secondaires ahuntsicoises. Mme Morency ne s’est pas faite rassurante à ce sujet!
« La littérature est nette sur le sujet, augmenter la capacité routière se traduit toujours à moyen terme par plus de temps perdu en déplacement », dit la professeure.
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« Les voies réservées au covoiturage et aux véhicules électriques ne vont pas réduire la demande. […] Pour les véhicules électriques, ils ne sont pas moins dangereux, n’occupent pas moins d’espace, et globalement, n’ont pas tant de gains environnementaux et économiques globaux que cela », a-t-elle déclaré au JDV.
Croire au Père Noël = pareil…