Comme Moïse a séparé les eaux, la Promenade des berges divisera-t-elle les citoyens et les élus ? (Illustration: Martin P.-M.)

Une élection municipale a lieu dans quelques jours. Vous êtes invités aux urnes le 7 novembre prochain. Il est donc de bonne guerre de se poser des questions sur le bilan de l’administration actuelle… et sur celui des précédentes administrations qui ont laissé leur marque – bonne ou mauvaise – sur Ahuntsic-Cartierville, au fil des décennies.

En cette période électorale, nous voulons vous entretenir de deux thématiques qui font référence de façon plus pointue au bien commun à tous les résidants d’Ahuntsic-Cartierville : les berges qui serpentent tout au long de la rivière des Prairies, au nord de notre arrondissement,  et les ruelles du territoire, pas les ruelles vertes… mais plutôt les ruelles privées qui risquent de devenir les ruelles de la discorde si les règles ne sont pas modifiées.

Voir couler la rivière… en petit comité

Vous avez peut-être suivi la saga de l’accès aux berges de la rivière des Prairies dans le Sault-au-Récollet sur nos Actualités Web. Un comité de citoyens s’est formé, à la suite de l’enrochement important fait par Hydro-Québec le long d’une partie des berges, en vue de soutenir un mur à proximité du barrage Simon-Sicard.

Cette société publique détient des emprises en bout de tous les terrains qui longent la rivière. À la suite des demandes de ce Comité de citoyens pour la promenade des berges, Hydro-Québec s’est rendue à leurs requêtes, à savoir: créer une promenade sur les berges depuis le parc-nature de l’Île-de-la-Visitation, jusqu’au parc Maurice-Richard (à côté de l’école Sophie-Barat)  pour rendre l’enrochement effectué plus attrayant (et surtout plus utile), laquelle promenade serait accessible à tous. Sauf que…

C’était sans compter l’opposition de quatre propriétaires riverains du secteur et un autre Comité de citoyens récemment formé qui, lui, craint une promenade au pied du parc Louis-Hébert. Tous invoquent la quiétude, notamment la quiétude des résidences pour aînés, et le fait que la vue de la rivière leur soit obstruée depuis leur résidence par une promenade en hauteur, notamment.

Les citoyens qui se sont intéressés à cette saga auront sans doute un brin d’amertume à constater que, au détriment de la collectivité, ces quatre propriétaires (et quelques citoyens) font la pluie et le beau temps sur le bord de la rivière en souhaitant que rien ne change, et surtout pas leurs privilèges!

Ces citoyens qui ont pu profiter à loisir de la vue sur la rivière et de la quiétude des lieux ne veulent pas partager leur accès aux berges, lequel accès pourrait profiter à tous les citoyens, sur un périmètre bien déterminé, dans une construction ou un aménagement paysager circonscrit et respectueux de l’environnement.

Parmi les quatre propriétaires riverains, deux sont des particuliers (ce qui ne devrait pas les empêcher de penser aux autres citoyens), tandis que deux autres sont des propriétaires d’institutions publiques qui bénéficient d’avantages fiscaux ou d’argent public pour soutenir leur existence.

Ainsi, l’une des deux institutions publiques est la Résidence Ignace-Bourget, qui appartient à l’Archevêché de Montréal, tandis que l’autre est le Quartier des générations qui appartient à la Fondation Berthiaume-du-Tremblay, de la résidence du même nom.

On pourrait supposer qu’un établissement appartenant à une institution d’obédience catholique comme l’Archevêché mette de l’avant la notion de « partage »… On pourrait aussi supposer qu’un ensemble résidentiel comme le Quartier dit des générations veuille aussi faire vivre des générations ensemble en leur faisant profiter d’un espace commun, en plein air, sur un paysage bucolique comme celui du bord de la rivière. Je laisse ici aux lecteurs et lectrices le soin de répondre eux-mêmes à ces interrogations bien légitimes.

Quant aux citoyens qui s’opposent à une construction non loin de chez eux, leurs arguments ressemblent à ceux des quatre propriétaires riverains.

Les raisons invoquées : la vie privée, la quiétude à laquelle les résidants qui y habitent ont droit, notamment. Est-ce justifié? Peut-être. Est-ce souhaitable de se retrancher derrière ce privilège sans que toute la collectivité en bénéficie, sous conditions bien sûr? Poser la question, il nous semble, c’est y répondre.

Et ces berges si chères à nos élus (on n’a qu’à penser au parcours Gouin, plus à l’ouest) sont freinées dans ce bel élan de développement. Jusqu’où les élus, malgré une promesse électorale récente au niveau municipal en tout cas, sont-ils prêts à s’engager pour que le privilège de certains devienne un véritable bien commun dont tous pourraient profiter?

Les ruelles de la discorde?

Le dossier des ruelles privées de l’arrondissement – et par extension de Montréal – en est un fort étonnant, pour peu qu’on s’y attarde. Ce questionnement est né d’une situation vécue par l’un des deux signataires, il y a quelques années.

Or, deux cas ont été portés à l’attention du JDV récemment: la ruelle située entre le boulevard Saint-Laurent, côté ouest, et la rue Clark, côté est, (entre Prieur et Fleury), et la ruelle située entre le boulevard Saint-Laurent, côté est, et la rue Grande-Allée, côté ouest, (entre Henri-Bourassa et Gouin). Lisez notre dernier article à ce sujet dans ce numéro. Le JDV en a parlé à plusieurs reprises dans ses Actualités récemment.

Il s’agit de deux ruelles privées (ainsi désignées par les riverains, mais désignées autrement dans le dernier cas par l’arrondissement, soit un terrain s’apparentant à une portion de ruelle), c’est-à-dire qu’elles appartiennent à des particuliers, et non à la Ville de Montréal.

Il faut savoir que dans Ahuntsic-Cartierville et particulièrement dans le district d’Ahuntsic, il existe près d’une vingtaine de ruelles privées ou de terrains faisant partie de ruelles privées. L’arrondissement en a déjà fait le décompte, à l’occasion d’un projet conduit par une étudiante, durant un été, en 2015. Mais pas Montréal! La Ville-centre ne tient pas de registre sur les ruelles du territoire, qu’elles soient publiques ou privées.

Nombreux sont les citoyens qui connaissent les ruelles vertes, mais peu de citoyens savent qu’il existe également plusieurs ruelles privées; même des gens habituellement bien informés. Avec le grand intérêt envers les ruelles vertes, les résidants pensent que toutes les ruelles de l’arrondissement – et de Montréal – sont publiques et appartiennent à la Ville, ou aux riverains, et sont susceptibles de devenir de belles ruelles vertes. Que nenni!

Or, les ruelles privées (parce qu’il en reste encore 16 dans le seul district d’Ahuntsic) se vendent entre propriétaires privés ou à l’encan (pour défaut de paiement de taxes), sans qu’aucun propriétaire riverain en soit informé. La Ville gère ses ruelles publiques et ses ruelles vertes, mais les privées se retrouvent dans un no man’s land.

Or, c’est bien beau le concept des ruelles vertes. Mais avant de décorer la maison, on commence par réparer les murs. Il nous semble qu’il s’agit ici d’un gros cas de réparation à faire, et rapidement. Et cette situation existe depuis plusieurs décennies. L’arrondissement a promis d’y voir récemment, alors que se termine bientôt la campagne électorale municipale.

Cela dit, les propriétaires privés qui, parfois sont des entreprises ou des particuliers qui ne résident même pas sur le territoire de l’arrondissement, rachètent ces ruelles et en profitent pour nuire à tout le monde. C’est le cas de la ruelle Grande-Allée/Saint-Laurent, alors que le proprio veut revendre sa ruelle aux riverains six fois le prix qu’il a payé. Cette histoire n’est pas terminée, le propriétaire ayant déclaré à l’une des candidates qu’il réfléchissait, mais cela au lendemain d’une demande d’injonction de la part des riverains… Ces proprios agissant ainsi –on le constate– n’ont jamais milité en faveur du bien commun, c’est clair.

Comme pour autre chose, les règles doivent être changées pour leur forcer la main.

Le bien commun avant tout!

Avec la collaboration d’Éloi Fournier, rédacteur en chef adjoint

Cet éditorial, et les articles qui l’accompagnent, ont été publiés dans le mag papier d’octobre-novembre (pdf ici), présentement en distribution sur tout le territoire d’Ahuntsic-Cartierville.

 

 

 



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