Panneau «À louer», rue Fleury. Il est loin le temps où les logements étaient abordables! (Photo: François Robert-Durand, archives JDV)

Il n’y a pas si longtemps, Montréal était une ville où le logement était abordable. Plus maintenant. Mais Ahuntsic-Cartierville demeure encore plus accessible que le Plateau-Mont-Royal, le centre-ville ou Westmount.

Cet article est paru dans la version imprimée du Journal des voisins,
le Mag papier de juin-juillet 2023, aux pages 16-17.

Que vous soyez à la recherche d’un toit à louer ou à vendre, armez-vous de patience, car l’offre de logement est restreinte. Et, capitalisme oblige: lorsque la demande est élevée et que l’offre est basse, les prix augmentent. Dans Ahuntsic-Cartierville, ça frôle la démence par endroits. Après l’élection provinciale de 2022, le député de Maurice-Richard, Haroun Bouazzi, avait déclaré qu’il n’avait pas les moyens de s’acheter un toit dans la circonscription où il venait d’être élu…

En immobilier, l’emplacement fait foi de tout. Justement, l’arrondissement est géographiquement privilégié: situé sur l’île de Montréal, il est desservi par le métro, plusieurs lignes d’autobus majeures, le Réseau express vélo et trois autoroutes. C’est avantageux pour la qualité de vie, mais pas quand on cherche un logement.

Sur Walk Score, qui analyse l’offre de logement en fonction de la qualité de vie et des transports en commun ou actifs, l’arrondissement a une cote de 62 pour les déplacements à pied, 66 pour les transports en commun et 73 pour le vélo. Comparativement, la cote est de 40 pour les déplacements à pied et 63 à vélo pour Boisbriand (27 et 49 à Mascouche). Boisbriand et Mascouche n’ont aucune cote de transport en commun…

Cela dit, le territoire est inégal sur le plan des revenus, si on se fie à l’indice de défavorisation des écoles du ministère de l’Éducation. On y trouve certains quartiers très bourgeois: Saraguay, Cartierville au nord du boulevard Gouin, des portions du Sault-au-Récollet, d’Ahuntsic et de Saint-Sulpice.

À l’inverse, plusieurs territoires sont marqués par la pauvreté, parfois extrême, comme Cartierville aux environs de Grenet/Lachapelle, Saint-Simon ou Bordeaux, près du chemin de fer, ainsi que le sud-est du Sault-au-Récollet. Selon le quartier, on trouve donc les gens parmi les plus aisés de Montréal et certains parmi les plus pauvres. La classe moyenne est installée un peu partout. L’offre immobilière colle à cette disparité de revenus.

Immeuble à logements à Cartierville. (Photo: François Robert-Durand, archives JDV)

Population et logements

Si le revenu annuel médian des 15 ans et plus dans l’arrondissement est de 29 062 $, 20 % des ménages ont un revenu annuel de plus de 100 000 $ (4,1 % ont des revenus de plus de 200 000 $) et 16 % de moins de 20 000 $, selon le Portrait sociodémographique de l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville tiré des données du recensement de 2016 (derniers chiffres disponibles).

Fait à signaler, environ un ménage sur cinq (17,3 %), soit plus de 22 000 des 134 245 habitants de l’arrondissement, est dans une situation de faible revenu. On dénombre aussi près de 22 000 familles avec enfants.

Ahuntsic-Cartierville compte près de 60 000 logements: 17 % sont des condominiums. À 61 %, les locataires sont majoritaires (la moyenne montréalaise est de 65,6 %). Le logement moyen compte trois ou quatre pièces. Certains sont surpeuplés: 11 % seraient de taille insuffisante pour ses occupants!

Le parc immobilier de l’arrondissement est vieux, car 40 % des logements, toutes catégories confondues, ont été construits avant 1961. Fait à signaler: 7 % auraient besoin de réparations majeures.

Un ménage sur trois consacre le tiers de ses revenus à se loger. Il s’agit d’une proportion acceptable selon les spécialistes des finances personnelles. Par contre, un autre tiers consacre plus de 30 % de ses revenus à ce chapitre. Dans l’arrondissement, 41,7 % des gens vivent seuls, ce qui s’apparente à la moyenne montréalaise.

Dans Ahuntsic-Cartierville, 43 % des locataires déménagent au bout de cinq ans. L’arrondissement est donc une terre d’accueil pour l’immigration: après avoir stabilisé leur situation financière, les nouveaux arrivants, qui occupent souvent les logements les plus mal en point, finissent par déserter pour aller là où les conditions de vie sont meilleures. De fait, 63 % des citoyens de l’arrondissement sont nés à l’étranger.

À Montréal: une majorité de familles monoparentales ou de gens vivant seuls sont locataires, une donnée qui pourrait facilement s’appliquer à notre arrondissement, mais que nous n’avons pu confirmer.

À Montréal: une majorité de familles monoparentales ou de gens vivant seuls sont locataires. (Photo: Anthony Tran, courtoisie Unsplash.com)

Locataires

Le coût moyen d’un logement est de 1123 $ par mois selon le Comité logement Ahuntsic-Cartierville (CLAC), soit autour de 35 % du revenu médian des locataires (ce chiffre remonte à 2020). En trois ans, les loyers ont assurément grimpé, si on se fie à une étude du Mouvement Desjardins parue en mars 2023: les loyers devraient bondir de 10 % d’ici la fin de l’année pour l’ensemble du Québec. Cette hausse était déjà de 8,9 % l’an dernier.

Pire, fin avril, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) annonçait que les loyers allaient exploser de 30 % au cours des trois prochaines années au Québec! L’organisme établit à 1,6 % le taux d’inoccupation des logements locatifs cette année dans la région de Montréal. Il baissera à 1,4 % en 2024. Selon la SCHL, il s’établissait à 4,4 % pour Ahuntsic-Cartierville en octobre 2021 (derniers chiffres disponibles).

Par contre, ce sont les logements les moins chers qui sont les plus rares. À Montréal, le FRAPRU établit le taux d’inoccupation des appartements de moins de 1000 $ entre 0,9 % et 1,3 %, selon la grandeur. Il n’y a pas de chiffres pour notre arrondissement.

Il est toujours difficile d’établir un prix moyen des logements locatifs. Le FRAPRU dispute depuis des années les données publiées par la SCHL. L’organisme rappelle que le prix des logements à louer sur la plateforme Kijiji est de 48,9 % plus élevé en moyenne que les coûts déterminés par la SCHL à l’échelle québécoise.

Selon la plateforme immobilière liv.rent, un 3½ non meublé se louait 2232 $ par mois dans Ahuntsic-Cartierville, ce qui en ferait un des arrondissements les plus abordables de la métropole. Ainsi, ce chiffre est de 3424 $ sur le Plateau-Mont-Royal ou de 3286 $ dans Westmount.

La firme fait état de 1408 $ pour un appartement d’une chambre à Ahuntsic-Cartierville (le prix moyen le moins cher en ville), comparé à 2042 $ à Westmount (le plus cher). Selon le site soumissionscourtiers.ca, qui cite Appartogo, un appartement de 1½ se loue 906 $ par mois dans Ahuntsic-Cartierville, un 3½ 1179 $, un 4½ 1513 $, un 5½ 1489 $ et un 6½ 2725 $, pour un prix moyen de 1442 $.

L’offre

Début mai, le Journal des voisins a cherché des logements sur la plateforme Kangalou et a déniché 42 offres, variant de 700 $ à 2250 $. Dans Ahuntsic, seulement trois logements étaient offerts à moins de 1000 $ et trois autres sous 1500 $. Dans Cartierville, on offrait six logements, tous au-dessus de 1250 $, dont un, à 2950 $. Sur Kijiji, on affichait une cinquantaine d’offres, de 685 $ à 2200 $, dont 10 logements à moins de 1000 $ et 23 sous les 1500 $.

Nous avons renoncé à utiliser Marketplace (dans Facebook), car il était impossible de restreindre la recherche aux limites de l’arrondissement. Par contre, l’offre de logements à moins de 1000 $ y était abondante à des adresses pigées au hasard sur notre territoire. Évidemment, les loyers les plus abordables sont situés dans les quartiers les plus pauvres.

La partie n’est pas facile non plus pour les futurs propriétaires. Fin 2022, dans la grande région de Montréal, le prix médian d’une maison unifamiliale s’établissait à 601 500 $, tandis que celui d’un condo s’affichait à 445 100 $, selon l’agence immobilière Royal LePage, qui prédit une hausse de 3 % à la fin de cette année.

Le prix médian d’une unifamiliale, sur l’île de Montréal, était de 723 750 $ à la fin de 2022, selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ). Pour un condo, on parle de 445 000 $.

Le Journal des voisins a effectué une recherche sur le site realtor.ca et trouvé 343 inscriptions de propriétés à vendre au début mai, allant du condo d’une pièce à 220 000 $ à un manoir au bord de l’eau à Cartierville pour 3,5 millions $. On y dénombrait 98 unifamiliales à partir de 399 000 $: 16 se détaillaient sous les 700 000 $ et 48 entre 700 000 $ et un million $. Nous avons déniché 147 unités de copropriété, allant de 220 000 $ à 1,1 million $. Deux de ces condos se situent à une adresse désormais célèbre, rue Péloquin. (Voir notre article sur le sujet)

Le 10147, av. Péloquin, une shoebox transformée en condo. (Photo: François Robert-Durand, archives JDV).

Nous avons trouvé 12 condos sous les 300 000 $, 116 sous les 500 000 $ et 21 sous le million $. Quatre propriétés étaient affichées à plus d’un million $. Sans surprise, plus vous vous rapprochez de la rivière des Prairies, plus c’est cher.

Personnes âgées

Si vous avez remarqué un nombre grandissant de résidences pour aînés dans le paysage, attendez-vous à ce que ce marché augmente. Selon le dernier recensement (2021), 21,8 % de la population d’Ahuntsic-Cartierville a plus de 65 ans, même si l’âge médian de la population est de 40,8 ans.

D’ici 2041, le nombre de ménages de 75 ans et plus augmentera de 58,8 % à Montréal, selon une étude de mai 2020 de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Déjà, 12 % des citoyens de l’arrondissement ont entre 65 et 79 ans, et 7 % ont 80 ans et plus. Ahuntsic-Cartierville comptait une cinquantaine de centenaires en 2021!

Résidence Les Deux aires pour personnes âgées située en bordure de la rivière des Prairies. (Photo: Philippe Rachiele, archives JDV)

Pourquoi les prix du logement augmentent?

Parce qu’on ne construit pas assez de logements locatifs, de condos ou d’unifamiliales pour satisfaire la demande. En fait, selon la SCHL, les mises en chantier sont en baisse depuis un an. On en dénombrait 818 en mars 2023, comparé à un peu moins de 1250 en mars 2022 et 5500 en avril 2021, dans le Grand Montréal.

Selon l’APCIQ, il manque 60 000 logements pour répondre à la demande montréalaise. Une petite promenade dans l’arrondissement permet de constater la quasi-absence de chantiers de nouvelles constructions résidentielles. La rareté de la main-d’œuvre, l’inflation et la hausse des taux d’intérêt exacerbent la crise du logement. Construire ou entretenir des logements coûte de plus en plus cher. Et Ahuntsic-Cartierville n’échappe pas à ce phénomène.

Enfin, l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville compte huit sites de production de cultures solidaires. Autant d’initiatives qui pallient le phénomène des déserts alimentaires, ces quartiers défavorisés situés à plus de 10 minutes de marche d’une épicerie offrant une bonne variété d’aliments sains.

Plus de la moitié des zones résidentielles de Montréal seraient des déserts alimentaires, selon une enquête du quotidien Le Devoir de juillet dernier. À ce chapitre, Ahuntsic-Cartierville est l’un des territoires les plus défavorisés de la métropole.



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