Vétéran Simon Desautels
Simon Desautels. (Photo : courtoisie)

L’ancien militaire Simon Desautels est un gars d’Ahuntsic. Réserviste dans les Forces armées canadiennes, il aspirait à une carrière de militaire. Mais les conséquences inattendues des missions ont brisé son rêve.

Coquelicot
(Photo : Creative common)

Depuis sept ans, M. Desautels ne revient chez lui que pour de courts moments quand il rend visite à ses parents. Sa vie est en Europe de l’Est, ponctuée de nombreux voyages dans le monde. Ils font partie de sa thérapie. Probablement que cette année il ne vivra pas le Jour du souvenir au Canada.

« Même mes thérapeutes n’étaient pas trop sûrs. Ils disaient qu’il ne faut pas fuir le problème », indique M. Desautels. Pourtant, il assure que ces escapades ne sont pas une fuite. Ils lui permettent de reprendre sa vie en main.

« Les gens me disent que tu es chanceux, tu peux voyager. Je donnerais ça à n’importe qui pour retourner dans l’armée », clame-t-il. Souffrant du trouble de stress post-traumatique, il a été libéré des Forces après dix ans de service. Au début, il était parti à Bali, en Indonésie. Un endroit paradisiaque, décrit-il. 

« Ce n’était pas une échappatoire. C’était pour faire une scission et mieux repartir. J’avais besoin d’enlever le bruit autour. Je ne voulais plus être exposé à ça », confie-t-il.

Le « ça » dont il parle, c’est son environnement au Canada lié à sa vie de militaire. 

« Ma vie, mes amis sont dans les Forces. C’était ma job de rêve finalement. Mais je ne pouvais plus faire cela. J’étais sur le banc en train de regarder tout le monde faire ses affaires et moi, je ne pouvais pas les rejoindre. » 

Le choix d’une vie 

Tout a commencé pour lui en 2005. Étudiant en soins infirmiers, il décide un jour de s’enrôler dans la force de réserve. Même s’il n’avait pas encore terminé son baccalauréat, il rejoint le régiment des Fusiliers Mont-Royal comme élève officier. « C’est grâce à une clause un peu difficile à comprendre, la clause expérience de vie », raconte-t-il.

Ce profond désir de rejoindre l’armée se concrétisait mal au début de l’âge adulte. Car M. Desautels aimait entendre son grand-père, qui était dans l’artillerie durant la Deuxième Guerre mondiale, parler d’histoires de guerre.

Une fois dans les rangs, formation après formation, il se voit offrir un contrat à temps plein. Un rare privilège pour un réserviste. L’armée devenait sa vie. 

Son premier déploiement en Afghanistan interviendra en 2008. Il est affecté au Quartier général, à Kandahar. Derrière des écrans et des systèmes de communication, il doit répondre aux demandes des hommes sur le terrain, notamment quand il y a des accrochages ou quand ils marchent sur des mines. Un travail de 12 à 14 h par jour, sept jours sur sept, une source de stress infinie.

« Un capitaine d’infanterie avait été blessé et c’est un de mes collègues assis sur la chaise juste à côté de moi qui est allé le remplacer. » 

Ce même officier sera blessé quelques jours après. La carotide sectionnée, il lui demandera de l’aide à la radio, lui décrivant lui-même sa blessure. Le pire est que Simon Desautels aurait pu être à sa place. 

Dans le feu des combats

Après dix mois, M. Desautels revient au Canada. Une mauvaise surprise l’attend : sa compagne le quitte. Un drame personnel qui le pousse à demander à repartir en mission immédiatement.

En décembre 2010, il rejoint Kandahar, cette fois pour une mission sur le terrain pour former les forces de sécurité afghanes. Il est stationné dans une base logistique de 70 000 personnes qui comprend des Canadiens et des Américains. 

L’expérience est marquée par quelques escarmouches occasionnelles, mais rien de sérieux, même si ce déploiement est une mission de combat. Puis au début du printemps de 2011, l’installation est visée par une attaque des talibans. « Plusieurs véhicules suicide, des tirs aux mortiers, tout a commencé vers 9 h du matin et n’a fini que vers 4 h de l’après-midi », relate l’ex-militaire.

Les Forces canadiennes n’enregistrent aucune perte contrairement aux Américains. Mais le choc est bien réel. M. Desautels ne s’en rend pas compte. Le retour à la maison, trois mois plus tard, se fait toutefois sans heurts. 

« J’étais devenu un adrenaline junkie. Quand on revient, on se sent pratiquement indestructible. On est content. On a fait ce qu’on avait à faire. C’est l’euphorie, mais cela dure une couple de mois. Puis c’est la déprime. On commence à penser à tout ce qui a mal été. » 

Parcours du combattant

Le système de santé militaire met du temps à le prendre en charge. Il se résout à prendre un avocat pour obtenir les services dont il a besoin. « Sur papier, les moyens sont là. Mais pour les réservistes, il n’y a pas de standard particulier. Mon parcours à travers le système a été de vraies montagnes russes. Il a fallu deux ans pour être pris en charge adéquatement. »

Au-delà de ses problèmes de santé, il y a cette impression de travail inachevé. Car l’Afghanistan a été repris par les talibans en août 2021. « C’est un abandon des valeurs que nous défendions », déplore l’ancien combattant. 

Même s’il reconnaît qu’il participait à des opérations de combats et n’était pas en mission humanitaire, il assure qu’il y avait une cause derrière. « C’était une mission de reconstruction et de formation multifacettes. » Un engagement qui permettait de doter l’Afghanistan d’une force de défense nationale. 

Aujourd’hui, les conditions mentales et physiques de l’ancien militaire Simon Desautels se sont nettement améliorées et il espère que cela ira de mieux en mieux. Mais il y a toujours cette déception qui le hante.

« Je n’étais pas bien quand j’étais dans la phase de déni. Sinon, le regret sera toujours là. Mais j’ai appris à accepter ma condition. »

En ce 11 novembre, en hommage au Jour du Souvenir, nous reproduisons ce texte qui est d’abord paru dans la version imprimée du Journaldesvoisins.com, le Mag Papier d’octobre 2022, à la page 18.

 



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