Tirée à 44 500 exemplaires, l’édition imprimée bimestrielle du Journal des voisins, surnommée le Mag papier, existe depuis 2012. (Photo: Simon Van Vliet, JDV)

Le principal éditeur de journaux locaux de la métropole, Métro Média, a lancé lundi un «cri d’alarme» bien senti annonçant une «possible disparition de la presse locale sur l’île de Montréal». Rien que ça!

La question se pose: si l’information locale se meurt, qui l’a tuée?

Il faut avoir la mémoire courte (et sélective) pour pointer du doigt comme principale coupable l’administration municipale qui a décidé d’interdire la distribution d’articles publicitaires, mettant à mal le modèle d’affaires des hebdomadaires gratuits distribués à même le Publisac.

(Parenthèse importante: il existe des journaux comme le nôtre qui font affaire avec des distributeurs indépendants pour faire livrer les journaux de porte à porte en dehors du Publisac et qui ne sont donc pas affectés par la nouvelle réglementation municipale qui ne vise pas la distribution des journaux, mais celle des imprimés publicitaires comme les dépliants et les feuillets et qui interdit l’emballage plastique des articles publicitaires.)

Il faut se souvenir que les hebdos édités par Métro Média n’étaient déjà plus que l’ombre de ce qu’ils ont déjà été, après que Québecor et Transcontinental se soient livré une guerre commerciale sans merci pour le contrôle de l’industrie des périodiques à l’échelle du Québec.

Plutôt que de mettre leurs ressources colossales au profit du développement d’une presse locale de qualité, les deux conglomérats se sont affairés à concentrer le marché pour en extraire de la plus-value pour leurs actionnaires, quitte à ce que cela se fasse au détriment de la valeur de l’information qu’ils produisaient. Ces entreprises milliardaires, qui avaient à la fois les ressources et l’infrastructure nécessaires pour opérer une transition numérique dans la presse locale, ont fait passer leurs intérêts commerciaux avant l’intérêt du public.

Trop occupés à se faire concurrence dans leur combat de Titans, ils ont laissé venir la concurrence indirecte des nouvelles plateformes numériques. Si la compétition des géants américains du web comme Google et Facebook au chapitre de la publicité en ligne menace d’achever l’information locale, c’est que les géants de l’édition et de l’impression d’ici avaient saigné à blanc l’industrie de la presse hebdomadaire avant de se retirer du marché, laissant à d’autres l’odieux de devoir gérer la décroissance – un peu comme Power Corporation l’a fait avec les quotidiens régionaux en se départissant des journaux de Gesca.

En tant que journal communautaire indépendant, le Journal des voisins est bien placé pour savoir que l’environnement d’affaires des médias locaux est pour le moins difficile. Nous n’échappons pas à la fuite des revenus publicitaires locaux vers les géants du numérique. Nous attendons également que la Ville de Montréal donne suite à son engagement de mettre sur pied un programme de placement média local auquel seraient tenus de participer les arrondissements. La première étape de ce programme pourrait d’ailleurs être de reprendre dès maintenant la publication des avis publics dans les journaux de quartier.

Le cofondateur et directeur des ventes du JDV, Philippe Rachiele, en compagnie la journaliste Camille Vanderschelden et de l’éditeur Simon Van Vliet lors de la réception notre édition de décembre. (Photo: Séverine Le Page, JDV)

Il y a quelque chose de désespérant à voir tant les administrations publiques que certains commerces locaux choisir délibérément de placer une part considérable, si ce n’est la totalité, de leurs dépenses publicitaires sur Facebook et Google plutôt que d’investir dans des entreprises de presse locale qui rejoignent directement la population d’ici.

Mais il y a également quelque chose d’outrageant à voir le patron de Métro Média, qui a empoché la part du lion de l’aide financière de deux millions de dollars débloquée par la Ville en décembre, se dire maintenant abandonné par l’administration municipale. Pour tout dire, son plaidoyer sonne davantage comme un chantage aux subventions d’urgence pour sauver son entreprise que comme une défense de l’industrie de la presse locale dans son ensemble.

Certes, Métro Média est de loin le plus gros acteur de l’industrie de la presse locale à Montréal et sa disparition transformerait profondément le paysage de l’information locale. On ne peut que déplorer la perspective de pertes d’emplois massives dans un contexte où les fermetures d’entreprises de presse locale se multiplient depuis des années. Cela dit, est-ce vraiment une solution de financer une entreprise en déroute suivant la logique du trop gros pour échouer (too big to fail)?

Rappelons qu’il existe des petits journaux locaux indépendants, comme le nôtre, qui sont encore bien en vie.

Pour nous non plus, l’avenir n’est pas assuré. Nous aussi avons besoin de temps et d’argent pour assurer la viabilité à long terme de notre entreprise d’économie sociale qui fraye son chemin, à contre-courant, depuis dix ans.

C’est pourquoi nous travaillons d’arrache-pied à élaborer un plan de relance et de transition visant à assurer le développement de ce petit journal de quartier, devenu une PME qui emploie maintenant une dizaine de personnes uniquement dans Ahuntsic-Cartierville.

Une partie de l’équipe du Journal des voisins, qui vous informe de l’actualité locale sur le site Journaldesvoisins.com et dans le Mag papier, publié aux deux mois. (Photo: Stéphane Desjardins, JDV)

Notre pari est que la survie de l’information de proximité, pour ne pas dire de l’information tout court, passe par de nouveaux modèles d’affaires d’entrepreneuriat collectif à but non lucratif. Nous sommes d’avis que l’information est un bien public, dont la production et la distribution doivent être financées par un mélange de revenus publicitaires imprimés et numériques, de contributions du public sous forme de dons et d’adhésions et de fonds publics accordés dans le cadre de programmes normés et balisés.

La mort de l’information locale? Ce n’est pas pour aujourd’hui. Il ne tient qu’à nous d’investir et de nous investir dès maintenant pour assurer l’essor de la presse de quartier de demain.

NDLR: Par souci de transparence, précisons que le JDV a obtenu en décembre dernier 170 000 $ en subventions de la Ville de Montréal dans le cadre du Programme d’aide aux journaux locaux imprimés.



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Monique Deslauriers
Monique Deslauriers
1 Année

Est-ce que les municipalités ne s’étaient pas retiré de l’obligation de publier les avis publics dans les médias locaux…

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