Une belle récolte du jardin. (Photo: Jill Wellington, courtoisie de Pixabay.com)

Pour les citoyens qui vivent dans des déserts alimentaires et qui n’ont pas accès à des jardins pour cultiver des fruits et légumes frais, l’agriculture urbaine peut être une solution.

Juliette et Pieter faisaient de lagriculture urbaine bien avant que le terme ne soit à la mode. Dabord à Rivière-des-Prairies, où ils avaient élu domicile comme jeune couple il y a plusieurs dizaines dannées. Ils y cultivaient quelques légumes, des herbes potagères, une vigne qui surplombait leur patio et de laquelle ils pouvaient ramasser les raisins, et des fleurs. Bref, un peu de tout. 

Puis, une fois déménagés dans Ahuntsic-Cartierville, ils ont installé des bacs à fleurs, de plantes potagères et de fines herbes sur leur balcon arrière, et ont semé une haie de framboisiers en bordure de leur maison. Voulant faire plus et mieux, ils ont également déposé une demande auprès de Ville en vert pour obtenir un jardinet dans les jardins communautaires de larrondissement. 

Sont-ils sans le sou? Pas riches, mais pas dépourvus non plus. Tous deux sont des adeptes de la récupération, du zéro déchet, des conserves maison à profusion et de la congélation à grande échelle. Bien sûr, laspect de l’économie entre en ligne de compte, mais pas seulement.

En plus de profiter du beau temps pour jardiner, ils se rendent souvent à vélo à leur jardinet. Le plaisir de manger frais et de récolter eux-mêmes leurs légumes au moment où ils le désirent sont aussi de bonnes raisons de cultiver dans leur jardinet.

Lagriculture urbaine nest pas un concept nouveau pour eux, mais il est encore nébuleux pour dautres qui ont tout intérêt à se lapproprier. Cest notamment le cas des citoyens qui vivent dans des déserts alimentaires, et pour qui les légumes et les fruits frais ne sont pas facilement accessibles, quand ils ne sont carrément pas à leur portée parce quils coûtent cher hors saison, ou quils doivent choisir entre ça et dautres denrées, même l’été.

Cultures solidaires 

Cest pour pallier ces déserts alimentaires et par nécessité daider les citoyens moins bien nantis que sont apparus dans larrondissement quelques jardins de production, les Cultures solidaires. Administrés par Ville en vert, ces jardins fournissent les légumes et fines herbes vendus au Marché Ahuntsic-Cartierville (MAC), dans Cartierville, notamment, et au kiosque du MAC au métro Sauvé. 

Hélène Cossette, horticultrice, est la responsable de cette branche de lagriculture urbaine au sein de Ville en vert, un organisme sans but lucratif (OSBL) subventionné notamment par Ahuntsic-Cartierville. «Le projet Cultures solidaires permet de rejoindre une clientèle qui na pas accès à des légumes frais offerts à moindres coûts», dit-elle. 

Trois sites distincts permettent à Cultures solidaires de cultiver et de mettre à la disposition des citoyens des légumes frais à bon prix. Un premier, nommé Au courant de lagriculture urbaine, est situé rue Berri, entre les rues Sauvé et Louvain. Il mesure 1000 mètres carrés et est exploité depuis cinq ans.

Un autre était une installation temporaire sur la rue Louvain, près de lavenue de LEsplanade, qui occupait 900 mètres carrés et a produit plus de 2 600 kilos de légumes au cours des deux dernières années.

Un troisième, de 670 mètres carrés, qui sera exploité en 2023 sur le terrain du Centre culturel et communautaire de Cartierville (le 4C), vient d’être inauguré. Ce site était au repos depuis deux ans à cause des travaux de rénovation de l’édifice du 4C.

Tomates et ail du jardin. (Photo: Karolina Grabowska, courtoisie de pexels.com)

Cultivés avec laide de bénévoles, les légumes sont vendus à prix abordable directement sur les sites des jardins de production et aux kiosques des MAC à Cartierville et au métro Sauvé.

En outre, les invendus sont offerts à des organismes communautaires, comme Rêvanous, une résidence pour personnes ayant une déficience intellectuelle légère, ou au programme FEED-back relevant de Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC).

Hélène Cossette souligne quil existe une Carte Proximité mise à la disposition des familles à faibles revenus par des organismes communautaires du territoire, en collaboration avec Cultures solidaires. Cette carte, chargée d’un certain montant en argent octroyé à la clé, permet à ces familles davoir des légumes gratuitement, selon certains critères. 

«Ça fonctionne un peu comme une carte de débit, dit Mme Cossette. Des organismes communautaires achètent des cartes et les remettent à leurs clientèles à faible revenu. Ce programme né dans le Centre-Sud voulait encourager les producteurs locaux», ajoute-t-elle.

À qui la chance?

Si Cultures solidaires chez Ville en vert comblent en grande partie les besoins des citoyens des déserts alimentaires ou moins bien nantis, les jardins communautaires permettent à dautres résidants, comme Juliette et Pieter, de manger les fruits et les légumes quils y font pousser.

Pour la modique somme de 15 $ par saison, les Ahuntsicois peuvent exploiter une parcelle (ou un jardinet) de 3 mètres sur 6 mètres (10 pi sur 20 pi), dans les jardins communautaires du territoire dAhuntsic-Cartierville. On peut également cultiver la moitié dune parcelle pour 8 $ par saison.

Ce ne sont pas nécessairement les économies qui motivent les citoyens à devenir membres des jardins communautaires, quoique cela demeure intéressant pour plusieurs dentre eux. «La motivation principale de 75 % des membres, signale Armelle Dumas, responsable de ce dossier chez Ville en vert, cest davoir accès à des fruits et légumes frais en quantité.»

Ahuntsic-Cartierville compte huit jardins communautaires pour lutter contre le phénomène des déserts alimentaires. (Source: jardinscommunautaires.ca/emplacement-des-jardins/)

Huit jardins communautaires ont pignon sur le territoire de larrondissement, et ce, dans les quatre districts: les jardins Christ-Roi, Pierre-Lapointe et Marcelin-Wilson pour le district dAhuntsic; le jardin Gérard-Legault pour le district de Bordeaux-Cartierville; les jardins Ahuntsic et Sault-au-Récollet pour le district du Sault-au-Récollet; les jardins Saint-Sulpice et Deschamps, pour le district de Saint-Sulpice. Pour agrandir la carte ci-haut, cliquez sur ce lien

Cultiver un jardinet dans un jardin communautaire permet à un citoyen, qui devient de facto membre une fois admis, de pratiquer le jardinage aux heures douverture des sites, soit du lever du soleil au coucher du soleil. Il garde le fruit de ses récoltes, tout en respectant certains règlements. Ville en vert administre ces jardins. Divers outils sont mis à la disposition des membres sur place; ces derniers doivent veiller à bien entretenir leur jardinet.

Cette année, précise Mme Dumas, les jardins communautaires seront ouverts du 15 avril au 15 novembre. Sur les huit jardins communautaires du territoire, on compte 1087 parcelles exploitées par les résidants, une seule parcelle étant allouée par adresse postale.

Armelle Dumas mentionne que ce sont en majorité des femmes francophones qui sy inscrivent à Ahuntsic-Cartierville, suivies par des femmes immigrantes. La moyenne d’âge tourne autour de 60 ans. 

«On travaille à établir un portrait plus complet, pour mieux connaître les membres, précise-t-elle. Même si ce sont majoritairement des femmes qui sollicitent un jardinet, leurs pendants masculins ne sont pas très loin, travaillant eux aussi à faire pousser les légumes sur leurs parcelles ou à désherber…»

Pour obtenir un jardinet, la liste dattente varie de six mois à deux ans dans larrondissement, selon le jardin désiré. Le jardin Gérard-Legault est celui qui compte le moins de personnes sur la liste dattente, tandis que les plus populaires, notamment à cause de leur accessibilité, sont les jardins Pierre-Lapointe, Christ-Roi et Sault-au-Récollet. Consolons-nous, car lattente, pour le territoire montréalais au grand complet, est en moyenne de cinq à six ans!

Dans un des jardins communautaires d’Ahuntsic-Cartierville. (Photo: Philippe Rachiele, archives JDV)

Jardins collectifs

Les jardins collectifs, eux, sont plus souvent des initiatives privées d’organismes sans but lucratif (OSBL), d’établissements scolaires ou de regroupements citoyens, quoique la Villa Raimbault pour aînés et une maison pour femmes vulnérables dans Cartierville en comptent chacune un. Ils sont administrés par Ville en vert et entretenus par les résidants, dans le premier cas des aînés, et dans le second par des pensionnaires de lendroit. 

«Le jardin collectif de la Villa Raimbault existe depuis bientôt quatre ans», mentionne Anne Dezetter, responsable des projets en développement en agriculture urbaine pour Ville en vert, dans Ahuntsic-Cartierville et Saint-Michel–Parc-Extension.

« Au fil des ans, plusieurs jardins collectifs sont nés et ont disparu, ou existent encore, selon les subventions qui leur ont permis de naître, dit Hélène Cossette. Certains ont été créés dans des HLM, dautres dans des écoles. Le jardin nourricier de l’École de la Visitation a été créé en 2018, notamment, ou encore celui de l’école Louis-Colin, le Jardin de la Paix, un jardin de plantes fruitières et comestibles vivaces mis en place par un comité de parents il y a plus de 10 ans», signale Mme Cossette. Les citoyens du secteur Youville et le Collège Ahuntsic possèdent également un jardin collectif, ajoute-t-elle. 

Six ou sept organismes communautaires bénéficient dune dizaine de parcelles dans les jardins communautaires, mentionne pour sa part Armelle Dumas. Ces OSBL en font des jardinets quils transforment en jardins collectifs. 

Par ailleurs, quelques jardinets des jardins communautaires deviennent des parcelles mises en commun par les membres pour des cultures qui, autrement, nécessiteraient trop de place dans les jardinets individuels, par exemple. On pense entre autres aux framboisiers et aux plants de rhubarbe.

À la volée, les projets davenir

Anne Dezetter a plusieurs projets sur le métier pour lavenir de lagriculture urbaine dans les deux arrondissements dont elle a la responsabilité. Ainsi, ses démarches concernent principalement des clientèles vulnérables, comme les aînés, ou les personnes ayant des problèmes de mobilité, des troubles de santé chronique ou de santé mentale. 

Elle travaille notamment à laccessibilité universelle aux jardins, qui est désormais requise partout, et à corriger des situations potentiellement problématiques. «On travaille là où il y a des manques», dit-elle. Elle cite en exemple lirrigation des plants, qui peut être faite autrement quen traînant de lourds boyaux darrosage; linstallation de potagers en hauteur; ou les plantations de légumes dans des bacs surélevés ou des bacs accessibles en fauteuil roulant. 

La pérennité des projets est un élément qui retient encore plus son attention, cette année. Dautres installations pourront également naître dont on ne peut dévoiler les lieux pour le moment. Finalement, un intéressant projet qui sera mis en branle à la belle saison cette année concerne des conteneurs à micropousses qui verront germer du tournesol, du brocoli, de la coriandre, de la roquette, des pois, des radis, de la luzerne, du cresson et de la betterave: idéales pour les sandwichs et les salades!

Semis pour le jardin. (Photo: courtoisie Pexels)

Faire œuvre utile

Le volet éducatif est également bien présent chez Ville en vert, afin de démythifier lagriculture urbaine. «On travaille avec des bénévoles», fait remarquer Hélène Cossette. Des ateliers de nutrition sont très populaires, signale Anne Dezetter. 

Bref, Ahuntsic-Cartierville na rien à envier aux autres arrondissements pour les cultures et la verdure, non plus que pour la transmission de connaissances. Et si cela permet à ses résidants moins bien nantis de mieux se nourrir et dapprendre le comment du pourquoi, tout le monde y trouve son compte.

NDLR: L’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville procédera à sa distribution printanière de fleurs, compost et paillis le samedi 27 mai 2023. Il faut toutefois s’inscrire le 1er mai pour réserver sa place. Plus d’info dans ce communiqué.

Cet article a été publié dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier d’avril-mai 2023, à la page 29. Il fait partie du Dossier Agriculture urbaine, duquel plusieurs autres articles sont reproduits. 

1- Ahuntsic, premier de classe en agriculture urbaine!

2- LN Saint-Jacques, DG de la Centrale agricole

3- La Centrale agricole: terreau fertile

4- Des nouvelles de la Ferme de Rue Montréal

5- Des jardins pour bien se nourrir à peu de frais 

6- À chacun son potager!

 



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