Les cinq élus de l’arrondissement, de gauche à droite: Jérôme Normand, Nathalie Goulet, Emilie Thuillier, Effie Giannou et Hadrien Parizeau.

Le conseil municipal de Montréal a adopté à sa séance du lundi 22 février une déclaration sur le respect en démocratie, tel que suggéré récemment par l’Union des municipalités du Québec (UMQ). Pourquoi une telle prise de position, et maintenant? L’UMQ veut encourager les candidatures en vue des prochaines élections municipales un peu partout au Québec. Mais il y a plus.  Sur les réseaux sociaux, la démocratisation de la prise de parole a son lot de positif. Toutefois, c’est aussi le théâtre de propos irrespectueux, injurieux et intimidants. Les élus municipaux comptent parmi les cibles. Qu’en est-il dans Ahuntsic-Cartierville?

Une campagne pour le respect

L’Union des municipalités du Québec (UMQ) lançait le 18 janvier une campagne nationale ayant pour thème « La démocratie dans le respect, par respect pour la démocratie ».

Suzanne Roy, présidente de l’UMQ et mairesse de Sainte-Julie, explique que cette campagne se veut positive et entend mettre de l’avant le respect dans le milieu de la politique municipale.

Elle a notamment pour objectif de donner le goût aux gens de se présenter en politique et de s’engager dans la sphère publique alors qu’un scrutin municipal est prévu en novembre prochain.

Un climat décourageant

L’UMQ déplore la dégradation récente du climat politique.

« Nous observons une multiplication de déclarations agressives et de gestes d’intimidation à l’égard des élues et élus municipaux, particulièrement sur les médias sociaux », affirme la présidente de l’UMQ.

Dans certains cas, ce climat a poussé certains élus à démissionner de leur poste à la suite d’attaques personnelles, d’intimidation et même de menaces de mort.

À titre d’exemples, Suzanne Roy évoque la mairesse de Montréal Valérie Plante qui reçoit souvent des attaques personnelles et des menaces de mort, la mairesse par intérim de St-Jean-sur-Richelieu qui a démissionné de son poste au bout de 10 jours à cause des attaques dont elle était la cible, le maire de Pierreville qui a reçu des insultes homophobes et celui de Saint-François qui a reçu une menace de mort de la part d’un citoyen mécontent d’une contravention.

Pour éviter la dérive

Les municipalités du Québec seront invitées à adopter une déclaration d’engagement par le biais d’une résolution de leur conseil municipal. Le conseil municipal devra s’engager à accompagner les élus municipaux ainsi que l’ensemble de la gouvernance municipale pour valoriser la démocratie municipale et consolider la confiance des citoyens envers les institutions démocratiques.

Plus d’une dizaine de mesures de sensibilisation et d’accompagnement auprès des municipalités et du grand public seront mises en œuvre. Il y aura aussi une formation pour les élus sur les meilleures pratiques en matière de réseaux sociaux pour prévenir les dérives.

« Il faut se doter d’outils pour que notre démocratie ne parte pas à la dérive comme aux États-Unis », affirme Suzanne Roy.

Expérience de la mairesse d’Ahuntsic-Cartierville

Qu’en est-il de ce climat d’intimidation et de manque de respect dans Ahuntsic-Cartierville?

La mairesse de l’arrondissement, Émilie Thuillier, se remémore un incident où un homme l’aurait intimidé da façon « majeure » en présence physique. Elle n’a pas du tout apprécié et ne souhaiterait jamais que cela lui arrive à nouveau.

Autrement, elle affirme qu’en présence physique, les choses se passent plutôt bien.

Sur les réseaux sociaux, par contre, c’est une tout autre histoire.

« Il y a eu un crescendo de message haineux dans les dernières années sur les réseaux sociaux et cette année c’est pire que pire, affirme la mairesse. J’ai reçu beaucoup de mépris. Je me suis fait traiter de salope et d’incompétente… C’est très désagréable. »

La mairesse reçoit plusieurs messages haineux chaque semaine. Le nombre peut varier dépendamment des périodes. Par exemple, lorsqu’il était question des voies actives sécuritaires, sujet hautement polarisé, elle recevait beaucoup plus de messages irrespectueux.

« Sur les réseaux sociaux, je vois et j’ose croire que les gens méchants et méprisants se calent un peu par eux-mêmes », affirme la mairesse.

Elle arrive à passer outre ces messages, car elle sait que la plupart sont injustifiés. Elle sait qu’elle n’est ni « folle » ni « incompétente ». Les projets pour lesquelles elle est critiquée par certains ont été demandés par plusieurs autres.

« En cette période trouble, j’ai commencé à recevoir plus de messages positifs pour contrebalancer la hausse de messages négatifs. »

Dur envers les femmes

Nathalie Goulet, conseillère du district Ahuntsic, dit pour sa part ne pas vivre d’intimidation via les réseaux sociaux. Par contre, elle se dit très affectée en tant qu’élue municipale de voir sa collègue de Projet Montréal, la mairesse de la Ville, Valérie Plante, recevoir autant d’insultes et de menaces, souvent sexistes et très violentes.

« C’est très difficile de voir une femme en politique se faire dénigrer autant par certaines personnes. »

La mairesse Émilie Thuillier estime que les femmes en politique sont jugées plus sévèrement que les hommes.

Hadrien Parizeau, conseiller du district de Saint-Sulpice, qualifie d’inacceptable le fait que certaines de ses collègues féminines reçoivent des commentaires désobligeants sur leur physique.

S’en permettre plus derrière son clavier

Sur les groupes Facebook de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, Nathalie Goulet observe que c’est toujours le même petit groupe qui s’exprime de façon extrêmement négative à chaque occasion sur tout ce que les élus font. C’est fait selon elle de manière exagérée et avec beaucoup de mauvaise foi sans rien amener de constructif.

Le conseiller de ville du Sault-au-Récollet, Jérôme Normand, déplore la même chose. Il se dit exposé à de l’acharnement de la part de certains citoyens jamais satisfaits qui se montrent insistants et manquent de respect dans leur propos. Il estime que les gens se permettent de s’exprimer de manière plus intransigeante par écrit sur les réseaux sociaux qu’en personne.

« Ce qui m’affecte le plus est qu’on nous reproche d’agir de mauvaise foi ou par intérêt personnel. Ça joue sur le moral de recevoir des messages abrasifs toutes les semaines », confie-t-il.

Le conseiller de ville rappelle que ce problème ne vise pas que les politiciens. Artistes et personnalités publiques vivent aussi la même chose sur les réseaux sociaux.

Sur son groupe Facebook d’échanges avec les résidants du Sault-au-Récollet, les discussions n’ont jamais dérapé à un point si grave et M. Normand n’a jamais retiré personne. Par contre, il y exige un standard élevé de respect.

La conseillère de Bordeaux-Cartierville, Effie Giannou, dit pour sa part n’avoir aucune tolérance pour l’intimidation. Elle va couper la conversation dès qu’il y a des messages ou un ton intimidants.

Manque de respect entre élus

La majorité des propos irrespectueux sont observés sur les réseaux sociaux, de la part de citoyens. Si tous les autres élus interrogés disent n’avoir presque jamais observé de manque de respect entre élus, Mme Giannou, elle, affirme le contraire.

« Au conseil de ville, il pourrait y avoir beaucoup plus de respect entre élus. J’ai observé et été choquée par le ton parfois condescendant, par des propos qui manquent de respect de la part d’élus envers d’autres élus. Cela nuit à l’atmosphère de travail », affirme la conseillère de Bordeaux-Cartierville, membre de l’opposition.

Le manque de respect entre élus ne serait pas limité aux observations de Mme Giannou. Suzanne Roy de l’UMQ affirme que « c’est arrivé dans certains petits villages que des conseillers aient levé le ton de façon irrespectueuse ».

Tous en faveur de la campagne

Au final, tous les élus interrogés se disent en faveur de la campagne de l’UMQ pour promouvoir le respect dans le milieu de la politique municipale. Sans estimer que le climat soit rendu complètement toxique, il est tout de même important pour eux tous de dénoncer l’intimidation et de communiquer dans le respect. Si cette campagne peut le rappeler aux gens, c’est tant mieux, juge-t-on de façon consensuelle.



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