Le chantier Chabanel de la STM vise à construire un poste de ventilation mécanique pour le métro. Les travaux, menés au coin des rues Berri et Chabanel, dureront jusqu’en 2025. (Photo: Camille Vanderschelden, JDV)

Un chantier de la Société de transport de Montréal (STM), mené pour la construction d’un poste de ventilation mécanique, suscite l’exaspération dans le quartier. Situés au coin Berri et Chabanel, les travaux d’excavation provoquent en effet un tel bruit que les citoyens tirent la sonnette d’alarme.

«Le bruit, je n’en veux plus. On est en souffrance. Tous les jours», tonne Marie*, qui habite à deux pas du chantier de la STM. Louis*, qui habite le même immeuble, affiche le même air défait que sa voisine: «On veut juste avoir une vie normale.»

Au coin des rues Berri et Chabanel, une immense grue barre le ciel. De 7 h à 19 h, du lundi au vendredi, de même que les samedis de 9 h à 17 h, c’est le même spectacle. Un bruit intense et des vibrations viennent faire trembler de frustration les résidents alentour. En cause: un chantier monumental de la STM pour la mise à jour d’un poste de ventilation mécanique (PVM), arrivé en fin de vie.

Avec un contrat d’environ 36 millions $, l’entrepreneur Tisseur effectue donc une excavation massive à ciel ouvert et en tunnel. Le nouveau PVM assurera au réseau de métro d’évacuer 240 000 pieds cubes d’air chaud par minute (soit quatre fois plus que les postes actuels).

Lancer un SOS

Le projet avait nécessité l’acquisition d’un duplex de gré à gré avec les propriétaires au mois de juillet 2020. La première phase du chantier n’avait alors engendré que quelques conflits entre le voisinage et les travailleurs, notamment sur le stationnement.

Mais depuis la fin 2022, les travaux d’excavation, bien plus bruyants, usent les nerfs des résidents du secteur. Forcés de vivre avec le vacarme six jours par semaine, plusieurs ont sollicité le Journal des voisins (JDV) pour faire entendre leur détresse.

«Le bruit nous rentre dans les oreilles et dans les cellules», déplore Marie*, une résidente d’un immeuble attenant au chantier. Par la nature de son emploi, Marie* doit travailler de chez elle, mais c’est bien simple, elle n’y arrive plus. Dans son bureau qui donne sur le chantier de la STM, le JDV a relevé une mesure de 63 décibels. Pour un matin de semaine, la fenêtre fermée, difficile de travailler en paix.

Dans le logement de Louis*, plus haut dans les étages, le JDV relève près de 75 décibels sur son balcon. Louis* témoigne sentir vibrer ses bras s’il s’appuie à sa rambarde de terrasse. Lui aussi travaille de la maison, tant bien que mal. L’excavation s’entend de son logement autant qu’elle se lit sur son visage: «Voilà 20 ans que je suis marié à ma conjointe, sans nuage à l’horizon. Depuis le début des travaux, mon couple bat de l’aile, on est au bord du divorce», souffle-t-il d’un air las.

Écoutez la vidéo montrant la relève des décibels durant les travaux de la STM:

Déserter ou rester

Michel* travaille dans un centre hospitalier et doit assurer des services de soirée et de nuit. Dans le second cas, il finit ses quarts de travail entre 6 h et 8 h du matin. Les travaux d’excavation quant à eux, débutent dès 7 h.

«C’est impossible de dormir à cause du bruit intense et des vibrations. Et ce, par intermittence. Chaque fois que les bruits cessent et que je m’endors, je me fais réveiller après quelques minutes par la reprise du bruit. Pour ma santé, mais aussi pour la sécurité de mes patients, ces travaux sont extrêmement dangereux», confie Michel* au JDV par courriel.

En outre, le colocataire de Michel*, qui travaille aussi de nuit, a dû quitter les lieux à cause des travaux. Comme il termine le travail entre 2 h et 3 h du matin, le manque de sommeil l’a fait prendre ses valises pour s’installer chez sa famille. Il doit désormais compter deux heures de route pour se rendre au travail. Michel* perd quant à lui la moitié de son loyer.

Les résidents témoignent ainsi de soucis de santé qui reviennent ou s’installent. Marie* a par exemple repris l’habitude de prendre sa tension artérielle. Celle-ci refait en effet des siennes depuis le début de l’excavation. Le manque de sommeil et le stress viennent aussi tous les affecter.

Les travaux de la STM pour le poste de ventilation mécanique Chabanel nécessitent de creuser dans le roc, afin de mettre aux normes un ancien poste de ventilation. (Photo: Camille Vanderschelden, JDV)

Atténuer le bruit

Contactée par le JDV, la STM assure être en constante communication avec les citoyens depuis le début du projet. Un agent de liaison est par exemple chargé d’assurer un dialogue continu avec les résidents les jours de semaine.

Une séance d’information, organisée par la STM en septembre 2022, avait également sollicité la participation de la moitié des résidents du secteur.

«La STM est présentement en train d’évaluer si d’autres mesures exceptionnelles d’atténuation peuvent être mises en place pour diminuer le bruit produit par les excavations», déclare Isabelle Tremblay, conseillère corporative à la STM. Cette dernière assure toutefois que le devis de la STM respecte les exigences quant au niveau de bruit comparables aux grands donneurs d’ouvrage.

Des murs pare-bruit de 4 mètres de hauteur avaient été installés en amont du chantier. Face aux plaintes, la société de transport a notamment mis sur pied des toiles pare-bruit. Le chantier de la STM recevra également un sonomètre dans les prochaines semaines.

Un terrain d’entente

De plus, la STM lance un comité de bon voisinage qui rassemblera les riverains, les acteurs du projet et l’arrondissement. En place jusqu’à la fin du chantier, ce comité comprend aussi un représentant de l’entrepreneur. Son but: renseigner les riverains sur les travaux, les échéanciers, les impacts et les mesures de mitigation.

«On a bon espoir que les gens puissent se parler, et trouver des solutions pour améliorer la situation», assure Emilie Thuillier, mairesse d’Ahuntsic-Cartierville. Mme Thuillier témoigne avoir déposé trois requêtes auprès de l’entrepreneur, pour le bruit et les vibrations.

Quatre plaintes ont en effet été déposées auprès de l’arrondissement par les riverains. Louis* insiste qu’ils sont bien plus à souffrir de la situation, mais que la résignation règne dans les immeubles. «Personnellement, je n’ai plus d’espoir de parler à la STM ni à l’arrondissement» confie-t-il au JDV.

En outre, les riverains avaient reçu notice, début juillet, que l’excavation se poursuivrait durant les vacances de la construction. Une nouvelle mesure a été prise depuis le début de notre enquête. Les travaux bruyants ne seront finalement pas effectués du 22 juillet au 6 août.

Des travaux nécessaires

L’arrondissement adoptait par ailleurs un nouveau règlement sur le bruit, en février 2023. Le hic? Les limites en décibels stipulées par ce dernier ne concernent pas les chantiers.

«Il serait extrêmement complexe d’imposer une norme sur le bruit émis par les chantiers, en vue du nombre de bruits. De plus, ils ne font pas exprès d’en faire, c’est un travail qui doit être réalisé», explique Emilie Thuillier au JDV.

Le nouveau règlement sur le bruit de l’arrondissement avait notamment apporté des modifications sur les heures autorisées pour le bruit. Si les travaux peuvent débuter à 7 h le matin, ils doivent se terminer à 19 h (en semaine).

«Ce qu’on voit beaucoup en ce moment sur les chantiers, pas seulement celui-ci, c’est que les entrepreneurs ont de plus en plus de misère à respecter le 7 h. Beaucoup veulent passer avant l’heure de pointe, ils arrivent sur le chantier avant, et celui-ci commence parfois avant 7 h. Clairement, ce n’est pas ce qu’on veut», concède la mairesse, expliquant que l’arrondissement peut agir sur les heures de chantier.  

Les travaux de la STM pour le poste de ventilation mécanique Chabanel se poursuivront jusqu’en 2025. (Photo: Camille Vanderschelden, JDV)

Un travail de longue haleine

Les travaux de la STM se poursuivront jusqu’en 2025, pour l’installation du nouveau poste de ventilation mécanique Chabanel. Les riverains devront donc prendre leur mal en patience.

L’arrondissement et la STM espèrent trouver un terrain d’entente par l’entremise du comité de bon voisinage, dont la première séance se tiendra fin septembre.

Toutefois, certains résidents-propriétaires ne supportent tellement plus la situation qu’ils songent à vendre. «Ce n’est pas comme si on en serait capables, vu le bruit!» désespère Marie*.

*Dans le cadre de cette enquête, les prénoms ont été changés par souci d’anonymat.



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Dupont, Christiane

Excellent papier! La STM est en constante communication avec les résidents? Bien sûr. Voilà pourquoi aucun comité de voisinage n’a été mis sur pied au cours des derniers mois… Pitoyable. Le bruit, c’est une plaie. Idem pour le bruit des avions au-dessus des résidences. Mais tant que le bruit n’affecte pas notre petite personne, on ne réagit généralement pas. Dommage.

Valerie Bernard
Valerie Bernard
8 Mois

Excellent article! Merci de mettre en lumière cette nuisance sonore constante qui diminue la qualité de vie des résidents et qui s’ajoute à celle des avions; dans Ahuntsic, nous avons l’impression d’être des citoyens de “seconde zone” aux yeux de l’arrondissement, de la ville de Montréal et du gouvernement fédéral qui font de l’aveuglement volontaire face au bruit qui perturbe incessamment notre sommeil, notre santé, notre vie…

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