Rue, piste et trottoir Prieur coin Tolhurst 2022-03-14 (Photo : Philippe Rachiele, JDV)

L’hiver est-il derrière nous? En tout cas, les grosses bordées de neige sont sans doute terminées…et avec elles leur lot de commentaires sur les réseaux sociaux concernant la qualité ou non du déneigement sur le territoire de l’arrondissement. Qu’en est-il de la réalité sur le terrain?

Les photographes du JDV se sont prêtés à l’exercice suivant durant l’hiver: à titre d’exemple et aux fins de comparaison, ils ont photographié les rues Prieur et Tolhurst depuis l’intersection, à 18 reprises, le matin. Alors qu’il avait neigé, qu’il neigeait, ou que tombait du verglas dans Ahuntsic Ouest, les bipèdes à caméra (!) du JDV ont évalué à la fois le travail de déneigement et la facilité d’utilisation des rues Prieur et Tolhurst, des pistes cyclables des mêmes endroits, et des trottoirs le long de ces rues, et ce pour les divers usagers.

À noter que la situation peut être différente en d’autres endroits du territoire d’Ahuntsic-Cartierville, selon les entrepreneurs dont les services ont été retenus aux fins du déneigement des différentes parties de l’arrondissement.

Les mieux desservis

Selon notre tableau de l’évaluation de la facilité d’utilisation de la rue, de la piste cyclable et des trottoirs, la réalité peut être différente selon que l’on parle de Prieur ou de Tolhurst.

Tableau avec les évaluations de la facilité d’utilisation des divers usagers après une chute de neige pour l’hiver 2021-2022 (Tableau : jdv – Philippe Rachiele)

Rue Prieur

Photo de la rue, piste et trottoirs Prieur coin Tolhurst 2022-01-02 (Photo : jdv – Philippe Rachiele)

 

Photos prises de la rue Prieur angle Tolhurst durant l’hiver 2021-2022 (Photos : jdv – Philippe Rachiele) – Pour photos en grand format, cliquez ici

Sur Prieur, la rue, la piste cyclable et le trottoir sont habituellement tous assez bien dégagés rapidement après une chute de neige.  Toutefois, sur notre série de photos de la rue Prieur, on peut noter que dans près de 50% des cas, c’est le trottoir qui est mieux dégagé que la piste cyclable et vice-versa.  Cependant les usagers qui semblent bénéficier de la meilleure facilité d’utilisation sont habituellement toujours ceux qui roulent en voiture. En effet, un véhicule stable et à large empattement –voiture ou camion– est moins déstabilisé en roulant par quelques centimètres de neige ou de verglas tombés sur la chaussée comparativement aux personnes à pied et à vélo.

Par ailleurs, le JDV a constaté que lorsque la piste cyclable était mieux déneigée que le trottoir, les piétons utilisaient presque toujours la piste pour y marcher plutôt que de marcher dans la rue avec les voitures, et cela même si la rue était mieux déneigée que la piste.  Les cyclistes, quant à eux utilisaient, en grande majorité la rue plutôt que le trottoir si la piste n’était pas en bon état.

Rue Tolhurst

Une des rares fois ou les bandes cyclables étaient visibles en ce début d’hiver rue Tolhurst coin Prieur 2021-12-06 (Photo : jdv – Philippe Rachiele)

Sur la rue Tolhurst, rue et trottoir sont habituellement assez bien dégagés, mais on constate que les bandes cyclables sont rarement utilisables l’hiver malgré le fait qu’elles font partie du réseau cyclable dit «quatre saison» (Pdf ici) de la Ville de Montréal.  Ces bandes cyclables qui longent les voitures des deux côtés de la rue sont presque toujours enneigées, car les camions de déneigement y tassent la neige ou encore elles restent glacées et enneigées même après un ramassage de la neige.

Il est à noter que Ahuncycle, le groupe de transport actif d’Ahuntsic-Cartierville, la rue Tolhurst ne fait pas partie du «réseau hivernal réaliste» (lien ici) sur leur carte présentant les 18 kilomètres du réseau des pistes cyclables de l’arrondissement utilisables l’hiver.

Les bandes cyclables de la rue Tolhurst étaient invisibles et inutilisables presque tout l’hiver (Photos : jdv – Philippe Rachiele) – Pour voir les photos en grand format, cliquez ici

En entrevue avec le JDV, Dominique Paquin, directeur des travaux publics d’Ahuntsic-Cartierville, a mentionné au JDV que les employés de l’arrondissement ainsi que les entrepreneurs privés de déneigement se fiaient à la politique de déneigement de la Ville de Montréal (Pdf ici) pour les normes à suivre.

M. Paquin donnait comme exemple que le dégagement des trottoirs et des chaussées débutait dès la chute de 2,5 cm de neige et que le dégagement se répétait en continu toutes les deux-trois heures, et cela jusqu’à la fin des précipitations.  Par la suite, l’objectif est de terminer de tout déblayer quatre heures après la fin des précipitations.

Selon la politique de déneigement, les chaussées sont dégagées selon deux niveaux de service. Le premier niveau concerne les rues de priorité 1 (artères, hôpital, voies réservées) et de priorité 2 (collectrices, circuit d’autobus, débarcadère d’écoliers, commerciales). Le deuxième niveau, quant à lui, concerne surtout les rues résidentielles.  Pour les trottoirs, « qu’ils soient situés sur des rues de priorité 1, 2 ou 3, ils sont déblayés selon les mêmes normes opérationnelles ».

Toujours selon la politique de déneigement de la Ville, pour le réseau cyclable qui fait partie du réseau « quatre saison, les voies bénéficient du même niveau de service que la chaussée sur laquelle elles se situent. ».  Cependant, en pratique, certaines voies semblaient plus difficiles à conserver en bon état, notamment comme on peut le voir sur nos photos de la rue Tolhurst ainsi que sur les bandes cyclables qui longent le boulevard Henri-Bourassa Ouest, notamment sous le viaduc Henri-Bourassa.

La bande cyclable Henri-Bourassa sous le viaduc Bois-de-Boulogne était presque toujours inutilisable l’hiver (photo prise le 18 mars 2022) (Photo : jdv – Philippe Rachiele)

« C’est un faux débat que de tenter de déterminer qui dans les pistes cyclables ou les trottoirs sont déneigés en premier », a souligné Sandrine Cabana-Degani, directrice de l’organisme Piétons Québec en entrevue avec Journaldesvoisins.com. « Il faut bien déneiger pour tout le monde ». ajoute Mme Cabana-Degani.

La directrice de Piétons Québec explique qu’il est normal que les voies utilisées par les uns et les autres ne soient pas toujours dégagées en même temps, car il y a utilisation de différents équipements. En outre, elle fait valoir que le réseau des trottoirs représente beaucoup plus de kilomètres de trottoirs (6675 km à Montréal) alors que le réseau cyclable «quatre saisons» compte 707 km, selon la Ville de Montréal.

Sandrine Cabana-Degani mentionne que l’hiver est la cause majeure de blessures pour les piétons.  Les municipalités doivent donc continuer de tenter d’améliorer les différents mélanges et essais pour contrer notamment la glace qui va être de plus en plus présente avec la menace des cycles de gel/dégel causés par les changements climatiques prévus.

À plus long terme, cette responsable espère voir des rues et des intersections mieux conçues pour permettre aux piétons d’être plus en sécurité, que ce soit l’hiver ou durant le reste de l’année.  Elle pense entre autres à des aménagements comme des traverses piétonnes et même des intersections surélevées, lesquelles font mieux réaliser aux conducteurs de véhicules qu’ils sont des «invités» dans une zone piétonne et qu’ils doivent, par conséquent, adapter leur conduite.

Exemple d’intersection surélevée rue Bernard dans Outremont qui fait en sorte que les automobilistes ralentissent en y montant, rendant l’intersection plus sécuritaire pour tous (Photo : jdv – Simon Van Vliet)

Ces intersections surélevées auraient l’avantage aussi d’éviter les descentes de trottoirs pleines d’eau à chaque jour de pluie ou de fonte.

Exemple d’accumulation d’eau aux descentes de trottoirs (Photo: jdv – Philippe Rachiele)

La directrice de Piétons Québec espère aussi voir plus de rues réaménagées avec des trottoirs sans descentes d’entrées charretières sur le trottoir.  Les descentes seraient déplacées plus près de la rue entre des arbres qui pourraient y être plantés.

Mieux servi par soi-même?

Voulant démontrer que le tronçon de la piste cyclable Prieur, entre Christophe-Colomb et St-Hubert, gagnerait à être mieux dégagé, Frédéric Bataille, le porte-parole d’Ahuncycle qui encourage le transport actif à pied et à vélo, a rapporté au JDV une initiative prise par quelques membres du groupe au cours de l’hiver.

« On a déneigé nous-mêmes la piste Prieur entre Christophe-Colomb et St-Hubert à une occasion. »

Selon M. Bataille, les commentaires reçus par Ahuncycle lors d’un sondage fait auprès de ses usagers indiquent un bon début de saison en déneigement, mais qui s’est dégradé à partir de février. Il souligne que la piste Christophe-Colomb est toujours très dangereuse quand le redoux se met de la partie, parce que la neige fond le jour et gèle la nuit sur la piste. À son avis, cette piste n’est plus du tout adaptée aux normes actuelles.

Le porte-parole d’Ahuncycle estime qu’il faudrait de meilleurs équipements, car actuellement il y a toujours un restant de neige aux intersections. La camionnette utilisée pour le déneigement a beaucoup de difficultés avec la pente des rues pour dégager près des trottoirs. Le point le plus important à ses yeux c’est que, sans la protection physique des bollards qui sont retirés l’hiver, les pistes sont presque inexistantes dès qu’il y a de la neige au sol et ça devient très dangereux. De nombreux automobilistes et camionneurs s’y stationnent et y circulent, faute d’identification plus visible durant la saison froide.

Frédéric Bataille considère que la norme du 2,5 cm pour entamer le déneigement est adéquate, mais l’équipement ne l’est pas pour bien dégager et déglacer les pistes. Si l’arrondissement souhaite vraiment qu’il y ait un transfert modal vers le transport actif, ce sont les trottoirs et les pistes qui devraient être priorisés et non pas les rues où les véhicules d’urgence peuvent facilement circuler même s’il y a de la neige.
M. Bataille trouve encourageant la croissance du nombre des cyclistes d’hiver depuis qu’il y a 18 km de pistes qui sont déneigées assez rapidement. À son avis, toutefois, il faudrait en augmenter le nombre et assurer une protection physique contre les véhicules pour vraiment encourager la pratique de ce mode de déplacement l’hiver.

 

 



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