Mademoiselle Charbonneau, telle que je l’ai connue alors que je fréquentais la bibliothèque Ahuntsic pour enfants, fin des années ’60, rue Lajeunesse (Photo: courtoisie)

J’avais 11 ou 12 ans et, dans mes souvenirs, je suis abonnée à la bibliothèque Ahuntsic pour enfants depuis quelque temps. Elle était située dans le sous-sol d’un ancien salon funéraire sur la rue Lajeunesse, près du boulevard Gouin. Rien de très édifiant comme lieu. Et pourtant! C’est là que j’ai rencontré Hélène Charbonneau. À l’époque, nous étions fin des années soixante. Cette rencontre-là fut, pour moi, déterminante. 

Je suis vite devenue une habituée de cette bibliothèque. Pour moi, m’y rendre faire le plein de bouquins, c’était une fête. Et ça l’était aussi pour rencontrer celle que j’appelais «Mademoiselle Charbonneau» et les membres de son équipe. Il régnait là une joyeuse atmosphère et on s’y sentait comme chez soi.

Hélène Charbonneau dirigeait son équipe avec finesse. C’était une femme brillante et déterminée, affectueuse dans ses commentaires, et très attentionnée auprès de son personnel et des jeunes qui fréquentaient la bibliothèque. Elle était directrice de cette bibliothèque pour enfants, laquelle aurait pu être austère. Mais non! On prenait plaisir à s’y rendre et à revoir les gens qui y travaillaient.

L’influence de Mlle Charbonneau

Un jour, Mlle Charbonneau me parla d’un nouveau journal qu’elle voulait mettre sur pied pour les jeunes, au sein de la bibliothèque: Le Reflet. Un petit comité s’est formé et nous nous réunissions de temps en temps.

C’est dans ce modeste Reflet que j’ai publié mes premiers écrits, des nouvelles pour nous, jeunes adolescents de l’époque : Laurie d’Irlande, Boeing 747. Et c’est ainsi que j’ai pris goût à l’écriture, assez pour m’inscrire l’année suivante au concours du Prix littéraire Marie-Claire Daveluy, à l’âge de 13 ans. J’y ai d’ailleurs gagné une mention avec un manuscrit que j’avais fait illustrer par une jeune femme que mes parents connaissaient, Christiane Asselin. Elle avait fait de superbes aquarelles pour illustrer ce que j’avais écrit, ”Christiane et le clan des 21”.

Bien que mon paternel était un ancien prof, un historien, universitaire, et ma mère, incollable en orthographe avec une très «belle main» d’écriture, je demeure persuadée que c’est aussi grâce à l’influence d’Hélène Charbonneau que j’ai décidé de m’orienter dans les domaines de l’écriture et de la communication écrite, puis de devenir journaliste.

Qui était Hélène Charbonneau?

On me permettra de citer en bonne partie des passages de l’hommage que lui a rendu la Ville de Montréal sur son site Web.

«Née en 1929, Hélène Charbonneau a passé toute son enfance dans l’ancienne municipalité de Bordeaux, devenue aujourd’hui un secteur de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville. Son père y fonde une bibliothèque paroissiale et elle y travaillera deux soirs par semaine dès l’âge de 10 ans. En 1953, alors jeune diplômée en bibliothéconomie, Hélène est embauchée à la Ville de Montréal à titre d’aide-bibliothécaire. Elle sera affectée à la bibliothèque Shamrock (anciennement située près du marché Jean-Talon) et devenue la bibliothèque Le Prévost. Nommée à Ahuntsic, elle agira à titre de bibliothécaire responsable de la section enfants.»

Pendant plus de 20 ans, Hélène Charbonneau a travaillé auprès des jeunes de la bibliothèque Ahuntsic. Par la suite, elle est devenue conseillère en littérature jeunesse pour tout le réseau des bibliothèques de Montréal.

Je cite ici la principale intéressée, interviewée par Pascale Grenier, chargée de projets à la Direction des services éducatifs de Bibliothèques et Archives nationales du Québec, en 2011

« À la bibliothèque d’Ahuntsic, le personnel était extraordinaire! Il y avait un climat d’amitié, de complicité, d’entraide, d’échange, de partage, de rigolade. Tout le monde parlait aux enfants, leur donnait des conseils de lecture, même s’il n’y avait pas tant de livres pour eux. (…) C’était le personnel et les collections qui rendaient la bibliothèque populaire auprès des jeunes. C’était une misère stimulante. Nous créions quantité d’animations! »

C’était bien d’elle de parler des autres, et non d’elle-même et de la contribution qu’elle avait elle-même apportée à cet endroit, alors qu’en bonne partie, ce climat, justement, était le fruit de ses efforts.

Après Ahuntsic

Au cours des années qui ont suivi, dans sa carrière, Hélène Charbonneau  a cofondé Communication Jeunesse. Elle a également été professeur de littérature jeunesse à l’Université, fondatrice du programme d’animation ”Livres dans la rue”. Elle avait également été au début des années soixante chroniqueure en littérature jeunesse pour le journal Le Devoir.

À la retraite, en 1993, elle a fondé l’OBNL «Les Amis de la Bibliothèque» dont la mission était de recueillir des fonds pour soutenir les activités d’animation dans les bibliothèques de Montréal par la vente de livres provenant des documents élagués de ces mêmes bibliothèques.

Hélène Charbonneau fut tout un personnage. Grâce à elle, la littérature jeunesse québécoise a assurément pris son envol, de même que des carrières ont été lancées, sous son influence, dans le domaine de la bibliothéconomie ou de l’écriture, tel qu’on peut le lire dans les messages qui ont afflué à la suite de l’avis de décès publié.

Que d’excellents souvenirs! Mais tout ça remonte à loin, puisque j’ai maintenant 64 ans et que je m’apprête à prendre ma retraite, moi qui suis journaliste depuis plus de 30 ans, rédactrice en chef de ce média depuis 10 ans, et qui a travaillé auparavant dans le domaine des communications écrites.

Mais les souvenirs, heureux, de cette époque, et de la rencontre avec celle qui a donné le goût de lire à de nombreux jeunes d’Ahuntsic, et d’ailleurs au Québec, sont toujours vivaces.

La Ville de Montréal a rendu hommage à cette pionnière, décédée en novembre dernier à l’âge vénérable de 92 ans, qui a tant fait pour les jeunes et pour la littérature jeunesse de Montréal et du Québec. On peut lire cet hommage sur le site de la Ville.

« Elle a été pendant 60 ans un pilier des bibliothèques montréalaises. Elle a fondé des organismes qui ont donné le goût de la lecture à des milliers des milliers d’enfants montréalais. (…) C’était vraiment une pionnière, une ahuntsicoise  pionnière de l’animation culturelle auprès des enfants », a souligné la conseillère du district d’Ahuntsic, Nathalie Goulet lors d’un hommage rendu à Hélène Charbonneau au conseil d’arrondissement de novembre.

Pour l’ensemble de sa carrière, Hélène Charbonneau avait été récipiendaire  de la médaille de l’Assemblée nationale en 2013. Ce sont des hommages que Mademoiselle Charbonneau a amplement mérités.

Merci à Mesdames France Labrecque, qui nous a fait parvenir une édition du journal Le Reflet de l’époque, et Céline Labrecque, sa soeur jumelle, qui a fait la trouvaille dans des archives il y a quelques années. Mesdames Labrecque ont toutes deux collaboré au journal en illustrant à plusieurs sreprises des articles dans Le Reflet, alors qu’elles fréquentaient la bibliothèque Ahuntsic, enfants. Elles ont bien connu Mademoiselle Charbonneau. Ce numéro du journal Le Reflet était une édition spéciale; il comptait huit pages au total. On voit ici la UNE.

Avec des informations de Simon Van Vliet



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Claude Lemire
Claude Lemire
2 Années

L’arrondissement d’Ahuntsic pourrait peut-être songer à donner le nom d’Hélène Charbonneau à la Bibliothèque d’Ahuntsic. Depuis le décès d’Hélène Charbonneau, j’ai lu beaucoup de témoignages de citoyens qui l’ont connue pendant ses 20 ans à cette bibliothèque et comment son action a eu d’importance dans leur vie et pour leur développement intellectuel ou leur orientation professionnelle ultérieure.

André Gravel
André Gravel
2 Années

Avec Hélène Charbonneau, un monde nouveau apparait devant les yeux et l’imaginaire d’enfants ! Merci !

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