Véro et Gabriel, intervenants psychosociaux de l’organisme RAP Jeunesse, reçoivent Alain, itinérant depuis deux ans, dans leur unité mobile baptisée l’Accès-Soir. (Photo: Loubna Chlaikhy, JDV)

Acteurs invisibles de l’aide aux personnes itinérantes, les intervenants psychosociaux œuvrent au quotidien sur le terrain. À bord du camion de l’Accès-Soir ou à pied, ils sillonnent sans relâche l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville. Reportage.

Au volant d’un camion blanc, Véro part à la rencontre des plus vulnérables. Ce soir-là, elle est accompagnée par Gabriel qui est intervenant à temps plein à l’Accès-Soir, comme elle, et Rachel, professionnelle dans le secteur. 

Tous trois partagent les mêmes valeurs de «justice sociale», de «solidarité», et ont choisi cette voie par «vocation». «On fait ce métier par passion, pas pour l’argent», souffle Véro. Le milieu communautaire et social est en effet connu pour ne pas être très payant. Il faut dire que les organismes survivent souvent avec des moyens limités et dépendent essentiellement des subventions publiques. 

Pour autant, les intervenants psychosociaux sont essentiels. «Sans eux, je pense que je ne serai plus là aujourd’hui», assure celui qui se fait appeler Raccoon, un homme de 55 ans dont la rue est la maison depuis de nombreuses années. Tous ceux qui ont croisé la route de ces professionnels dévoués le confirment, leur soutien est inestimable.

Une équipe mobile

Sous le pont de l’autoroute 40, au croisement de l’avenue Christophe-Colomb et du boulevard Crémazie, le camion de l’Accès-Soir de l’organisme RAP Jeunesse se gare pour son deuxième arrêt de la soirée. Du mardi au vendredi, l’équipe mobile se rend en différents points de rendez-vous de l’arrondissement. Objectif: rejoindre les gens les plus précaires, briser l’isolement, faire de la prévention. Chaque soir, ils reçoivent 20 personnes en moyenne. 

Le véhicule de l’Accès-Soir devant les bureaux de RAP Jeunesse, rue Laverdure. (Photo: François Robert-Durand, archives JDV)

Dès l’arrivée du camion, Alain, qui vit dans un campement depuis deux ans, entre se réchauffer. «Je viens chaque fois voir cette gang quand je suis là! C’est la meilleure chose pour nous de les avoir pour parler, boire un café, avoir mon courrier, tout ça», assure celui qui était camionneur.

Après des années de travail, un accident de la route le rend incapable de rester en emploi. Les dettes, les loyers impayés, et l’éviction inéluctable de son appartement. «Je suis sur la liste d’attente pour avoir un logement social, mais je n’y crois plus, je vais rester là jusqu’à mourir s’il le faut, mais je n’irai pas dans les hébergements d’urgence où on se fait voler nos affaires», désespère-t-il…

Pendant une heure, Véro, Rachel et Gabriel lui apportent ce qui lui manque le plus: la chaleur humaine. Autour d’un café bien chaud, ils prennent de ses nouvelles, discutent de tout et de rien comme on le ferait avec un ami. Rejoints par un autre homme en situation d’itinérance, les professionnels l’accueillent avec un sourire et un café. 

Une mission de prévention

Avant de reprendre la route vers leur prochain arrêt, ils leur proposent de repartir avec un sac garni selon la demande de chacun. «En fonction de leurs besoins, on donne de la nourriture, des vêtements de dépannage au besoin, des produits d’hygiène… On a aussi du matériel d’injection ou d’inhalation, et toute une gamme de condoms», explique Gabriel. 

L’Accès-Soir a en effet une mission de prévention de la propagation des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS). Très bien organisé, le camion compte de nombreux placards dans lesquels se trouve tout le nécessaire.

Une fois par mois, une infirmière de proximité se joint à l’Accès-Soir pour proposer des dépistages ITSS et une vaccination contre les hépatites A et B. Ce service de santé publique est offert à l’arrêt de Parc-Extension une fois par mois. Enfin, l’Accès-Soir a aussi des arrêts communs avec l’équipe de Médecins du Monde, une fois par semaine.

Ce texte du dossier Itinérance a été publié dans la version imprimée du Journal des voisins de février-mars 2024

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