Le 3 mai est la Journée mondiale de la liberté de la presse. (Photo: Egor Vikhrev, courtoisie de Unsplash.com)

La liberté de la presse est l’une de ces notions que l’on tient souvent pour acquise par chez nous, mais de nombreuses personnes qui habitent dans notre petit coin de pays savent ce que c’est de vivre sous la chape de plomb de l’autoritarisme.

Demandez aux quelque 5000 ressortissants algériens d’Ahuntsic-Cartierville comment ça se passe dans leur pays d’origine, où règne un régime militaire déguisé en démocratie.

«Le paysage médiatique en Algérie n’a jamais été aussi détérioré: les médias indépendants sont sous pression, les journalistes sont régulièrement emprisonnés ou poursuivis, et plusieurs sites Internet sont bloqués», indique Reporters sans frontières (RSF) qui place l’Algérie au 136e rang sur 180 pays dans le classement 2023 de la liberté de la presse.

Parlez-en aux quelques milliers de membres de la communauté marocaine d’ici qui vous dirons ce que c’est de subir la dictature sous le couvert de monarchie.

«La pluralité de la presse marocaine n’est qu’une façade, et les médias ne reflètent pas la diversité des opinions politiques dans le pays. Les médias et les journalistes indépendants font face à d’importantes pressions, et le droit à l’information est écrasé par une puissante machine de propagande et de désinformation servant l’agenda politique des proches du pouvoir», constate RSF au sujet du Maroc qui se situe au 144e rang du classement.

Posez la question aux nombreuses personnes issues de la diaspora haïtienne établie dans le quartier: il n’y a pas que le climat politique et économique qui est difficile dans la perle de Antilles.

«Les journalistes haïtiens sont victimes d’un cruel manque de ressources financières, de l’absence de soutien de la part des institutions et d’un accès difficile à l’information. Depuis deux ans, ils sont aussi la cible des gangs, victimes d’enlèvement ou assassinés en toute impunité», signale RSF dans sa fiche sur Haïti (99e rang sur 180).

Et que vous diraient vos voisins et voisines originaires de Syrie (175e rang au classement de RSF), du Liban (119e rang), de la Grèce (107e rang), du Vietnam (178e rang), de Chine (179e rang), du Pakistan (150e rang), du Sri Lanka (135e rang), de l’Inde (161e rang), du Salvador (115e rang), de la Colombie (139e rang), du Mexique (128e rang), du Pérou (110e rang), du Bangladesh (163e rang), d’Afghanistan (152e rang), des Philippines (132e rang), d’Iran (177e rang), de Russie (164e rang), d’Iraq (167e rang), du Brésil (92e rang), de Hong Kong (140e rang), de Serbie (91e rang)?

Probablement qu’ils vous diraient: on ne sait pas ce qu’on a, tant qu’on ne l’a pas perdu…

En un mot, la liberté de pensée, d’opinion et de parole – et la liberté de la presse qui en est à la fois le moteur et le véhicule – est menacée partout dans le monde.

Le 3 mai est la Journée mondiale de la liberté de la presse. (Photo: Bank Phrom, courtoisie de Unsplash.com)

Alors qu’ailleurs ce sont les forces brutes du pouvoir qui, par la violence ou par la corruption, entravent voire menacent l’existence même d’une presse libre et indépendante, ici ce sont les forces beaucoup plus pernicieuses du marché et des relations publiques qui sont à l’œuvre.

Même au Canada (15e rang au classement RSF), nous ne sommes bien entendu pas à l’abri des dérapages autoritaires: les journalistes qui ont couvert les manifestations étudiantes à Montréal ou, plus récemment, les mobilisations autochtones et écologistes dans l’Ouest du pays peuvent en témoigner.

Reste que ce n’est pas un régime autoritaire qui a mené à la disparition de larges pans de la presse locale au Canada. Ce sont plutôt les décisions d’affaires d’une poignée d’entreprises qui font passer leurs intérêts économiques avant le droit du public à une information de qualité.

Mais malgré la crise financière des médias qui sévit depuis une quinzaine d’années, malgré les mutations technologiques qui bouleversent complètement les façons de produire et de diffuser l’information, une forme unique de journalisme indépendant, professionnel et communautaire survit ici, au Journal des voisins (JDV).

C’est notre humble contribution à la mission essentielle que font les journalistes de par le monde, dont Albert Camus qui, avant d’être un écrivain génial était d’abord un journaliste hors pair, avait résumé ainsi l’essence:

«La seule vision juste de notre profession, hier comme aujourd’hui, est une vision idéaliste. Le journalisme n’existe que parce qu’il une légitimité démocratique. Notre rôle c’est de permettre aux citoyens d’être informés pour décider, pour choisir, pour agir. Et donc, c’est un idéal démocratique. Toute vision cynique, pragmatique, opportuniste du journalisme trahit le métier lui-même, parce qu’il a d’abord une source démocratique qui nous dépasse, qui nous réclame. Le droit à l’information n’est pas un privilège des journalistes, c’est un droit des citoyens.»

Lisez d’autres éditoriaux publiés par le Journal des voisins en cette Journée mondiale de la liberté de la presse: par Christiane Dupont en 2020 et par Stéphane Desjardins en 2021.



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