Les stationnements réservés aux personnes à mobilité réduite sont une denrée rare à Ahuntsic-Cartierville. (Photo: Loubna Chlaikhy, JDV)

Selon les données publiques de l’Agence de la mobilité durable, on ne répertorie que cinq stationnements payants réservés aux personnes handicapées sur l’ensemble des voies tarifées d’Ahuntsic-Cartierville sous la responsabilité de l’agence.

Ce texte a été publié dans la version imprimée du Journal des voisinsle Mag papier de décembre 2023-janvier 2024, à la page 13Il fait partie de notre dossier sur la santé.

Ils se situent sur les rues Fleury et Chabanel. On note toutefois que d’autres places réservées existent devant les infrastructures publiques telles que les bibliothèques, ou encore près de certaines cliniques, sans figurer dans la liste de l’Agence de mobilité durable. 

Ces statistiques excluent également les stationnements privés offerts hors des voies publiques, comme dans les centres commerciaux ou les hôpitaux, par exemple. Sur ce plan, l’offre est bel et bien présente. 

Toutefois, les personnes à mobilité réduite ne vont pas uniquement à l’épicerie et chez le médecin. Elles désirent, comme leurs concitoyens, pouvoir se rendre au restaurant, au cinéma, ou encore chez des amis. Certaines en viennent à se demander si les personnes à mobilité réduite sont des «citoyens de seconde zone».

Selon l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017, environ 1 053 350 personnes âgées de 15 ans et plus au Québec ont au moins une incapacité. Cela représente 16,1 % de cette population, soit plus d’une personne sur dix. Pourtant, seulement 35,3 % des stations de métro de Montréal et 16,9 % des gares de train de banlieue leur sont accessibles. 

À Ahuntsic-Cartierville, la station de métro Henri-Bourassa est la seule à disposer d’un ascenseur. Quant au réseau de train exo, seule la ligne 15 est adaptée aux personnes à mobilité réduite aux gares Sauvé et Ahuntsic, qui ne disposent toutefois d’aucun stationnement réservé. Les deux autres gares, qui permettent d’emprunter la ligne 12 à destination de Saint-Jérôme, sont inaccessibles.

La question du stationnement et de l’accessibilité est, de ce fait, un point noir. Chantal Jetté, résidente d’Ahuntsic-Cartierville, vient d’ailleurs de déposer une plainte à la Commission des droits de la personne. 

Pas un luxe

Les personnes à mobilité réduite, lorsqu’elles le peuvent, optent donc pour la voiture afin d’effectuer leurs déplacements. Mais lorsqu’il est question de trouver un stationnement, les choses peuvent se compliquer singulièrement. En cause: le manque de places réservées aux personnes en situation de handicap, mais aussi leur emplacement. Sans compter les automobilistes qui s’y garent allègrement, au détriment de ceux qui en ont réellement besoin.

«Pour moi, la voiture n’est pas un luxe, c’est mon autonomie», témoigne Chantal Jetté. Cette Ahuntsicoise de 60 ans est atteinte d’une arthrose sévère. Après sept opérations, et alors qu’elle se prépare à en subir une nouvelle, cette psychothérapeute a appris à vivre dans une société inadaptée. «Il y a des endroits où je ne vais plus, car je ne peux simplement pas me stationner. C’est comme si personne ne pensait à nous», regrette-t-elle. 

Panneau de stationnement P-150-5, selon le ministère des transports du Québec (MTQ), qui indique que le stationnement est interdit et réservé aux handicapés.

Les citoyens ayant une vignette de stationnement pour personnes handicapées ont la possibilité de faire une demande auprès de la mairie d’arrondissement afin d’obtenir une place près de leur domicile. Malgré nos demandes d’entrevue, l’arrondissement a systématiquement refusé de répondre à nos questions. Il est par conséquent impossible de savoir combien de places ont été créées ou non dans ce cadre. Quoi qu’il en soit, le manque de stationnement est bien réel. 

«Beaucoup d’arrondissements ne tiennent pas d’inventaire. Au-delà du nombre de places, il y a aussi la question de leur emplacement. Dans le cas d’une pharmacie, la place ne devrait pas être de l’autre bord du coin de rue par exemple. Sans parler du fait que l’espace n’est pas toujours suffisant pour déployer une rampe. Cela place la personne dans une situation où elle doit bloquer la circulation et subir les klaxons», souligne Steven Laperrière, directeur général du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), un organisme qui milite pour l’éradication de la discrimination fondée sur le handicap au Québec. 

Une plainte

Dans son Plan stratégique organisationnel 2021-2030, l’Agence de mobilité durable se fixe l’objectif de «faciliter les déplacements des personnes à mobilité réduite». Un engagement développé dans un paragraphe de quelques lignes, au sein d’un rapport qui compte 46 pages.

Rien d’étonnant pour Chantal Jetté, qui la surnomme malicieusement «l’Agence de l’immobilité». Celle à qui l’arrondissement a promis de créer de nouvelles places là où elle en a le plus besoin y voit «un manque de vision globale et de volonté politique». 

Décidée à faire entendre sa voix, elle vient de déposer une plainte auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. «Je demande le droit d’emprunter les voies réservées en tout temps sur le territoire de la Ville de Montréal. Je demande que des places réservées soient ajoutées un peu partout près des lieux ouverts au public, et qu’il y ait une application digne de ce nom afin de les repérer», écrit-elle dans sa plainte.

«Fatiguée de devoir faire face à la bureaucratie», celle qui attend sa nouvelle vignette de stationnement depuis plus de trois mois espère faire bouger les choses. «Je fais ça pour toutes les personnes handicapées. J’ai l’énergie du désespoir et j’estime qu’on a le droit à une certaine dignité, même si on ne semble pas faire partie du plan de Valérie Plante pour Montréal», confie Chantal Jetté.

Ailleurs

Certains pays comme la France imposent aux mairies un minimum de 2 % de places de stationnement adaptées et réservées aux personnes à mobilité réduite. Plus près d’ici, la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO) établit des normes vis-à-vis desquelles les acteurs ont un délai imparti afin de s’y conformer.

Par exemple, la Norme ontarienne d’accessibilité pour la conception des espaces publics, si elle existait au Québec, contraindrait l’arrondissement à consulter les personnes handicapées dans le cadre du réaménagement du boulevard Henri-Bourassa sur la nécessité, l’emplacement et la conception des places de stationnement réservées. «Tant qu’on n’aura pas la même chose ici, la vie des personnes handicapées sera confinée», conclut Steven Laperrière.

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jean paul dubreuil

Excellent article .qui décrit bien la réalité. Je suis handicapé et détiens une vignette depuis 25 ans , Mais très souvent, je ne peux pas l’utiliser car les rares places sont occupées par des gens qui n’ont aucune sensibilité à l’égard des handicapés et aucun remord à prendre leur place.

Rue Fleury près de Papineau , juste a coté du poste de police 27 , les trois stationnements réservés aux handicapés sont a peu près toujours occupés par des non handicapés qui vont à la pharmacie ,à la SAQ , la SQDC, ou a l,épicerie Métro. Il y a pourtant un immense stationnement gratuit derrière ces magasins
.
Certaines personnes ne comprennent que par la répression. Ces automobilistes seraient certainement plus respectueux des droits des autres s’ils recevaient une contraventions à la première offense et si leur voiture était remorquée en cas de récidive.

L’amende actuelle est d’environ 400$ (avec les frais) et elle s’applique même s’il y a quelqu’un qui attend dans la voiture..

Malheureusement, il me semble que les policiers et les agents de circulation ne s’occupent pas beaucoup de ce type d’infraction.. Je n’ai pas les statistiques, pour le démontrer, mais je n’ ai jamais vu un seul tiket dans la vitre d’une auto en infraction dans un stationnement d’handicapé en 25 ans.

A mon avis, les policiers et les agents de stationnement pourraient distribuer d’avantage de contraventions et le panneau de stationnement devrais préciser le montant de 400$.

Félicitations et merci pour cet article .

Jean Paul Dubreuil

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