Après avoir commémoré mardi l’anniversaire du décès de Joyce Echaquan, une femme atikamekw de Manawan qui a perdu la vie dans des circonstances tragiques à l’hôpital de Joliette l’an dernier, le Collège Ahuntsic souligne aujourd’hui la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

L’institution, qui s’est engagée il y a trois ans dans une démarche de décolonisation, est devenue depuis l’un des chefs de file au Québec en matière d’autochtonisation dans le milieu collégial.

Un malaise qui pousse à l’action

Tout a commencé en 2018, lorsque la directrice de l’établissement, Nathalie Vallée, a reçu une demande de la part du secteur des sports qui souhaitait avoir un autobus à l’effigie des équipes sportives du Collège pour les déplacements lors de matchs et de tournois inter-collégiaux.

Les équipes du Collège Ahuntsic portaient alors le nom des « Indiens » et arboraient un logo représentant un guerrier amérindien portant une coiffe de plumes.

Le malaise de la directrice par rapport à l’idée de voir un autobus aux couleurs du collège sillonner le Québec avec ce nom et ce logo d’une autre époque a « allumé l’étincelle » qui a poussé le collège à entamer sa démarche d’autochtonisation, explique Sophie Beauregard, conseillère en communication au Collège Ahuntsic.

Plutôt que de se contenter de simplement changer le nom de ses équipes sportives, le collège s’est alors engagé dans un long processus de consultations et de réflexion.

La direction du Collège s’est d’abord appuyée sur l’expertise d’une enseignante en anthropologie, Julie Gauthier, qui avait développé depuis plus de 10 ans des liens avec la communauté atikamekw d’Opitciwan.

« On ne croyait pas pouvoir, nous, en tant que peuple non-autochtone, mener une telle démarche sans consulter des autochtones », souligne Sophie Beauregard, conseillère en communication au Collège Ahuntsic.

Le collège s’est donc également associé à Mikana, un organisme dont le nom signifie chemin en langue Anishinabe et qui travaille à sensibiliser différents publics aux réalités et perspectives des peuples autochtones.

Une démarche novatrice

Cette démarche est plutôt novatrice, estime Léa Lefèvre-Radelli qui s’est intéressée à la question de l’expérience des étudiants autochtones à l’université dans le cadre de ses recherches doctorales au sein du Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones, et qui a suivi de près le travail effectué au collège Ahuntsic dans les dernières années.

« Souvent ce qui se passe, c’est que c’est l’initiative d’une personne non-autochtone qui ensuite va trouver un partenaire autochtone pour se donner une crédibilité. Mais là, c’est l’inverse. Il y a d’abord la relation de confiance qui fait émerger des projets», note celle qui est aujourd’hui agente de support à la recherche au Service aux collectivités et chargée de cours à l’UQAM.

Tandis que Julie Gauthier a été libérée en partie pour se consacrer au processus d’autochtonisation du collège, sa collègue Emanuelle Dufour, conseillère pédagogique en équité, diversité et inclusion, consacrait son projet doctoral de recherche-création en éducation par les arts à la question de la sécurisation culturelle autochtone.

Le résultat de ce travail prend la forme d’une bande dessinée intitulée C’est le Québec qui est né dans mon pays qui se penche sur plusieurs pans peu glorieux de l’histoire coloniale canadienne, des pensionnats autochtones à la crise d’Oka.

Publié au début 2021, cet ouvrage a été le point de départ d’un atelier au premier rassemblement pédagogique du nouvel espace d’autochtonisation du Collège qui s’est tenu en mai.

Une démarche de longue haleine

Si le changement de nom de ses équipes sportives a fait grand bruit il y a deux ans, le Collège ne s’est pas arrêté là.

Il s’est plutôt lancé dans une démarche de fond qui l’a amené à organiser des ateliers de discussion, des conférences, des formations pour les membres de la communauté collégiale, autochtones comme non-autochtones. Le Collège, qui compte bon an mal an une cinquantaine d’étudiantes et d’étudiants s’identifiant comme autochtones, a également embauché Gilbert Niquay, un Atikamekw de Manawan, comme facilitateur à la vie étudiante autochtone.

« Les enseignants se sont sentis de plus en plus interpellés par cette démarche », note Sophie Beauregard.

Dans la foulée du rassemblement pédagogique du printemps dernier, le collège a d’ailleurs mis sur pied des ateliers offerts à l’ensemble du réseau collégial, dont notamment une formation d’introduction à la décolonisation des plans de cours. La formation créée par Mikana a été donnée à guichet fermé le mois dernier.

« Ça fait quelques années que certains cégeps sont vraiment plus proactifs », constate Léa Lefèvre-Radelli.

On a vu ces dernières années des initiatives visant à décoloniser les cursus scolaires et la pédagogie collégiale, notamment au Collège Dawson, au Collège Vanier et au Collège John Abbott.

« Les établissements francophones sont plus en retard que les établissements anglophones par rapport à l’autochtonisation. Dans le Canada anglais, c’est quelque chose qui est entamé depuis un bon moment », observe Sophie Beauregard.

En poursuivant ce travail de longue haleine entamé il y a trois ans, et qui fait écho aux appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation, le Collège Ahuntsic espère contribuer à rattraper ce retard.

« L’éducation a été le moyen d’assimiler les peuples autochtones. Elle devrait être le moyen, de changer les mentalités des gens. Il y a un gros problème de sensibilisation et d’éducation en général. C’est normal que ce soit par l’école que ça passe », conclut Léa Lefèvre-Radelli.



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Tommy
Tommy
2 Années

Super

Claudette
Claudette
2 Années

On est woke ou on l’est pas.

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